Cabane : Le livre de Abel Quentin, Pierre-François Garel

C’est un peu le livre phénomène de la rentrée, même si, à ma connaissance il n’a pas eu de prix, en tout cas, significatif. J’avais adoré, grâce à l’ami Beigbeder, Le Voyant d’Etampes, qui dénonçait avec humour les dérives du wokisme. Là nous sommes dans un propos beaucoup plus ambigu, à partir d’un « faux » rapport publié par 4 chercheurs qui annoncent l’apocalypse. On arrive pas vraiment à savoir si Abel Quentin défend les fous furieux, gourous de la décroissance, ou les admirent d’avoir tout prévu avant tout le monde. Aucun personnage ne trouve grâce à ses yeux et les 4 auteurs du rapport sont traités de manière neutres, même si l’un devient fou, le deuxième fait carrière dans l’industrie du pétrole et le deux derniers deviennent tout simplement…vieux, le mari restant soumis à sa femme. De nombreuses pages mettent mal à l’aise car on ne sait à quel degré il faut les prendre et lire la rhétorique New âge au premier degré n’est pas une expérience très enrichissante. Mais si on passe au deuxième degré, ça peut être drôle, mais avec une amertume qui ne nous lâche pas…

Après le très prometteur Le Voyant d’Étampes, paru en 2021, on retrouve Abel Quentin avec un roman, encore une fois, très ambitieux, dans lequel l’auteur nous raconte, sur plusieurs décennies, le destin de quatre scientifiques qui, en 1973 faisait paraître un rapport annonçant le désastre écologique du XXIe siècle, et qui alarmait sur les dangers d'une croissance mondiale en perpétuelle augmentation. La première partie du livre présente les principaux protagonistes de cette histoire : un couple d'Américains, Mildred et Eugene Dundee, le Français Paul Quérillot et le Norvégien Johannes Gudsonn. Ensemble, Ils vont rédiger ce rapport qui, malheureusement, n’aura jamais la portée qu’il méritait. Bien plus tard, un journaliste décide de s’intéresser à ce fameux "rapport 21" (qui s’appelait dans la réalité le "Rapport Meadows"), suite à une demande de reportage du magazine pour lequel il travaille. Il va partir à la recherche ces quatre scientifiques qui ont disparu de la circulation, pour savoir ce qu’ils sont devenus. Démarre alors la seconde partie du livre, une enquête dans laquelle passé est présent ce confondent, avec des personnages qui ont connu des destins très divers, entre renoncement, désillusion et fatalisme. Cabane est un roman à la fois passionnant et éclairant sur la prise de conscience écologique de la part de "lanceurs d’alertes" avant l’heure, mais qui comme dans le cas de René Dumont en 1974, fera pschitt… Dans un style brillant, Abel Quentin nous offre un récit touffu, documenté, avec personnes extrêmement bien composés, et avec, comme dans le précédent, un esprit satirique évident, ponctué d’humour désenchanté.

Abel Quentin arrive presque à nous faire croire que la véritable histoire du rapport Meadows et de ses auteurs est celle qu'il raconte dans ce livre. C'est pourtant bien un roman dont il s'agit, juste un très bon roman avec tous ses codes et ses attraits. C'est aussi une façon de nous raconter l'aveuglement de ce temps et la lâcheté des hommes.

Abel Quentin dresse les portraits robots psychologiques de personnages qui appréhendent les dangers climatiques actuels de façons très différentes, avec pourtant un même point de départ et une même connaissance du problème. Chacun de ces personnages sont le reflet d'une époque, tant dans leur réflexion que dans leur façon de décrire la société.