Ce qu'elle a laissé derrière elle : Le livre de Ellen Marie Wiseman

En recherchant dans mes lectures de cette année 2024, je suis tombée sur ce titre qui ne m'évoquait rien. Mais en reprenant le scénario de ce roman, tout m'est revenu d'un coup. Passionnante immersion dans un milieu psychiatrique du début du 20ème siècle. C'est terrifiant et très instructif sur l'enfermement utilisé en de trop fréquentes circonstances pour éloigner des indésirables de la vie qu'ils voulaient mener.

Un incroyable roman qui m’a ému, qui questionne sur la folie et rappelle que les femmes ont longtemps été soumises à la volonté des hommes. Clara se retrouve à Willard, un centre de détention plus qu’un hôpital psychiatrique, où elle verra toute dignité et tout respect s’envoler. A son histoire, s’entremêle celle d'Izzy, jeune femme qui lutte contre ses démons. J’ai eu un gros coup de cœur pour Clara, elle m’a bouleversé, par sa force, son courage et sa volonté de vivre. A chaque chapitre, cette jeune femme d'une volonté de fer, donne envie de se battre pour elle. Izzy m’a moins touché, j’ai trouvé son histoire moins originale. Clara dit que le destin de sa vie fut de ne pas être écoutée et cela résume parfaitement ce que ces femmes ont pu vivre. Mais ce roman est également une leçon de résilience. Parce que Clara ne lâche rien, elle tente sans répit de reprendre le pouvoir.

CE QU'ELLE A LAISSE DERRIERE ELLE est un magnifique roman (tout comme la première de couverture d'ailleurs). C'est le second livre que j'apprécie de cette autrice, après « Là, où sont tes racines » . Il s'agit d'un roman choral avec une double temporalité et l'on va suivre deux personnages attachants : Clara en 1929 qui va se battre pour ne pas devenir vraiment folle alors qu'elle est internée de force par son père, et Izzy de nos jours qui va découvrir dans « une valise » (voir ci-dessous) le cahier de Clara. C'est un récit édifiant sur le pouvoir abusif des hommes quant à la facilité avec laquelle, ils parvenaient à l'époque, à faire interner en asile psychiatrique, femmes, soeurs, filles pour des raisons obscures et de convenance, avec l'aide « bienveillante » et souvent intéressée financièrement de certains psychiatres. L'écriture est parfaitement fluide, la psychologie des personnages y compris ceux plus secondaires, est totalement maitrisée. de plus, les très fines descriptions de l'asile de Willard et de ses dépendances sont racontées avec rigueur, intensité et une précision des détails à la mesure du talent de l'autrice et de son immense sensibilité. On visualise littéralement cet endroit lugubre et malaisant où les murs suintent encore, tout comme les objets découverts çà et là, qui ont été les témoins d'actes immondes perpétrés en ces lieux. On en frémit d'angoisse et de mal-être et on n'en ressort pas indemne. Ellen Marie WISSEMAN a effectué un travail de recherche remarquable sur ce sujet sans rien laisser au hasard et nous fournit ainsi une lecture intelligente et passionnante. A l'issue du livre, l'autrice partage avec ses lecteurs à travers quelques questions- réponses sur le choix de son sujet et c'est extrêmement intéressant. Elle a ainsi découvert que les Etats-Unis ont été le premier pays à mettre en place « des programmes de stérilisation obligatoire, à visée eugénique » entre 1907 et 1963, conformément à la loi sur l'eugénisme en vigueur à l'époque et précise également que cet évènement « sur l'exposition des valises de l'asile de Willard », est bien réel. C'est une collection de bagages de patients retrouvés dans le grenier de cet asile. Ainsi je vous invite à lire sans plus attendre ce roman fascinant et bouleversant, enrichi de faits historiques indubitables. (NB : quelques petites fautes de traduction et ou d'orthographe ne gâchent en rien la lecture pour une fois)