Dans le bleu : Le livre de Joyce Carol Oates

La tête légère. Très paradoxalement, les romans de Joyce Carol Oates représentent pour moi un temps de détente. Ils me portent vers des sujets ou des thèmes qui ne me sont pas habituels, ils se lisent facilement et ne me laissent pas un souvenir impérissable. Dans Le Bleu vient confirmer cette règle. Ce roman d’apprentissage aborde pourtant des problèmes peu divertissants comme l’adolescence, le deuil, le divorce, l’usage des psychotropes. En faisant appel à beaucoup de dialogues, l’auteure rend son roman vivant et alerte et la lecture agréable et rapide. On partage aisément le sort des protagonistes et on se situe de plain-pied dans l’intrigue sans même s’en rendre compte. Cependant, cette rapide appréhension des situations narratives présente le revers de rester le plus souvent dans l’aspect superficiel des choses. Ici, pas d’analyses psychologiques autres que les réactions des différents personnages, pas d’analyses réflexives, pas de digressions, pas de mises à distance, (peu de citations pour Babelio !), en un mot : l’émotion brute. Tout est concentré sur l’évolution de l’héroïne Jenna dans un monde ressenti comme plus ou moins hostile, dont elle rêve souvent de s’échapper en retrouvant le lâcher-prise des opiacés, monde qui demeure malgré tout très réaliste. Au fond, c’est peut-être cela une saine détente : ne pas trop se poser de questions, lire pour le plaisir de découvrir une histoire au premier degré et continuer d’avancer la tête légère … ce qui permet ensuite à l’esprit de s’attaquer à des fictions ou à des essais plus profonds, plus exigeants, plus enrichissants et plus marquants !

Voilà une auteure que je voulais découvrir depuis longtemps. Et la question est : mais pourquoi j'ai attendu si longtemps ? Dans le bleu, c'est doux, enrobant, comme dans un songe. On se retrouve et on aime y rester. Y voler. Tel des oies sauvages. Mais la vraie vie n'est pas dans le bleu. Elle est dans le brut. "Ils ne savent pas. Ils ne savent pas ce que ça fait quand la bagnole dans laquelle tu es commence à perdre le contrôle, dérape, s'écrase, et toi tu hurles tellement fort que c'est comme si ta gorge crachait des flammes. Et cette fraction de seconde ou tu commences à t'apercevoir que t'as perdu le contrôle et c'est trop tard" Violente, injuste et pleine de souffrance. Une descente aux enfers. La culpabilité du survivant. De celui qui reste au lieu d'être mort avec. 15 ans et découvrir les affres de la douleur, physique et psychique. Ici on parle deuil, resilience, plongée dans les opioides, amitié, trahison et amour salvateur. Tout est urgence et supplice. Alors on cherche l'oubli dans les paradis artificiels. Pour s'oublier. Ou se retrouver. Un déracinement. Un roman écrit comme un souffle. Un bout de souffle. Qui suit chaque respiration. Parfois longue et parfois si brève. Une écriture cinglante et immersive. C'est plein d'émotion à fleur de peau. Et ça brule, ça glace. Ça fait mal. Et à la fois c'est plein d'espoir.

Jenna a vécu un accident de voiture qui a coûté la vie à sa mère et qui l'a grièvement blessé. Elle tente de survivre à l'idée qu'elle a provoqué cet accident et affronte seule cette culpabilité. Amitié malsaine, drogues. Des passages difficiles de souffrance et de mal-être adolescent.

Ce livre est un vrai coup de cœur pour moi ! Premier livre que j'ai lu après une grande panne de lecture de plusieurs mois. Ce livre est émouvant et montre les dangers des grogues, des amitiés toxiques mais aussi de la difficulté de se reconstruire après un accident tragique. Si je devais vous conseiller un livre ce serait vraiment celui-ci. Alors foncez !