Emma : Le livre de Jane Austen

Le mouvement littéraire en vogue au début du XIX#7497; siècle était le romantisme, doté de farfelu et de spectaculaire. Considérée à l'avant-garde du réalisme, Jane Austen se démarque de ce genre. Elle s'attache à décrire la banalité du quotidien qu'elle connaît, sans y omettre son regard critique et ironique, ne dédaignant pas la satire et la comédie saupoudrées de romantisme. "Emma" est une comédie de mœurs, dans laquelle gravite toute une galerie de portraits, plus ou moins caricaturaux. Je pense que dans ce quatrième roman, elle insuffle à son personnage principal beaucoup d'elle-même, son rôle d'accompagnant vis-à-vis de sa mère veuve, la protection matérielle de son frère, les stations balnéaires qu'elle déteste, etc. Elle dispense ses similitudes au travers des différents personnages qu'elle crée. Jane Austen reprend ses thèmes de prédilection, la différence entre les classes sociales, la place des femmes dans la société, l'amour et le mariage. Dans "Emma", elle situe son intrigue dans un microcosme rural, lui permettant ainsi de "malaxer" les sentiments des uns et des autres. L'accent est mis sur l'importance d'éviter une mésalliance, intolérable et inacceptable. Il faut rester dans sa caste, ou si possible, s'élever au-dessus de sa condition, mais surtout ne jamais se rabaisser, sous peine de s'isoler en perdant tout contact avec ses amis et ses relations qui se détourneront. Les rapports humains, vus par Emma, sont très intellectualisés. Peu importe les sentiments, la raison doit l'emporter sur le cœur. Un soupçon de perfidie se glisse dans ce roman. En effet, le personnage principal est une jeune femme aisée, jolie et indépendante, notamment de l'amour. Elle endosse le rôle de marieuse sans rien connaître de l'alchimie qui s'opère entre deux êtres attirés l'un vers l'autre. À l'image de la pratique commune des mariages arrangés, elle associe les personnes en fonction de leur niveau social, faisant fi de leurs sentiments. Elle dispense des conseils sur la vie conjugale dont elle ne connaît que la vitrine. Emma est beaucoup plus fébrile que les autres héroïnes de Jane Austen. Plus spontanée, elle en devient plus naïve, malgré son intelligence. Honnêtement, elle m'a parfois agacée par son intransigeance, un peu enfant gâtée, désinvolte, ne connaissant pas grand-chose à la vraie vie, en dehors de son cercle, s'amusant avec Harriet comme avec une poupée vivante, bien obéissante. Elle pense manipuler les événements et les personnes de son entourage alors qu'elle ne voit rien des intrigues qui l'entourent et se trompe souvent. Elle est une parfaite incarnation de la maxime : "Voir la paille dans l'œil du voisin et ne pas voir la poutre dans le sien." Ce qui la sauve, à mes yeux, est qu'elle sait reconnaître ses erreurs et, malgré ses épisodes d'arrogance, elle fait preuve d'humilité devant son incompétence. De crispante, elle devient touchante. L'édition Folio Classique propose une préface de Dominique Barbéris, une étude rapide des points importants du livre ainsi que de la personnalité d'Emma. Le traducteur Pierre Goubert truffe le texte de notes éclairantes tant sur des lieux géographiques que sur des pratiques de l'époque (jeux, mets, professions, etc.) avec quelques rappels sur la vie de l'autrice. Personnellement, j'ai trouvé ces compléments très instructifs. Je suis toujours aussi admirative de la faculté de Jane Austen à passer au crible ses contemporains, quelquefois ne lésinant pas sur la quantité de vitriol utilisée, la logorrhée de Mle Bates ou la condescendance sournoise de Mme Elton, par exemple. Cependant, si "Emma" est un pavé très complet, illustrant l'agilité caustique de l'autrice à décrire ses congénères, je reste, sans hésitation, acquise à la cause d'Elizabeth Bennet dans "Orgueil et Préjugés", certainement moins spontanée, mais, pour moi, tellement plus fine.

J'ai lu pour la deuxième fois "Emma", qui est LE roman de Jane Austen que j'avais détesté pour son héroïne contente d'elle, manipulatrice, autoritaire et entêtée. Et puis à la deuxième lecture, je l'ai mieux comprise : elle est un personnage tout-à-fait coupé de ses émotions, et partant des émotions des autres, inapte à percevoir les sentiments en général. C'est comme si elle avait devant elle un miroir aux reflets biaisés qui lui renvoyait une réalité aux lignes de forces altérées filant dans la mauvaise direction. Replacée dans son contexte social, Emma est une jeune fille jolie, riche et très éduquée de la haute société provinciale : autant dire qu'elle est théoriquement un excellent "parti", c'est-à-dire une proie pour les jeunes gens de son milieu moins fortunés qu'elle, et elle ne l'ignore pas. Or, dotée d'un caractère volontaire et ayant la chance d'avoir un père débonnaire qui lui laisse le maximum d'autonomie dont une jeune fille de sa condition puisse rêver, elle préfère agir que d'être "agie" ; tous les combattants savent que l'attaquant a les avantages : s'excluant elle-même du marché matrimonial, c'est elle qui assortit les couples en fonction de son imagination et de ses fantasmes, vivant une vie amoureuse par procuration, à l'abri des déceptions et d'une alliance qui sonnerait le glas de sa liberté pour la soumettre au code rigide et contraint de la femme mariée. Inutile de dire que les désirs et les aspirations d'autrui n'étant jamais pris en compte dans son exercice de scénariste et de metteur en scène, elle échoue de façon désastreuse pour son entourage, entraînant malentendus et chagrins. Pourtant ses échecs retentissants lui permettront peu à peu de descendre en elle-même et de sonder son coeur : elle n'est pas une femme incapable d'aimer, mais une femme qui a peur d'aimer (et qui aime, d'ailleurs, depuis longtemps, à son insu). Car aimer est une abdication partielle de soi-même. Nulle surprise alors quand nous découvriront (mais on s'en doutait...) que celui qu'elle aime est un homme droit et lucide, qui l'aidera à prendre conscience des mirages de son monde intérieur et à passer sur l'autre rive d'elle-même : la rive authentique. Que sera ce mariage de ces deux êtres dont l'un est en quelque sorte le double inversé de l'autre, d'un côté la lucidité, de l'autre l'imagination, mais qui sont tous deux dotés d'un caractère fort ? Où, du fait son appartenance au sexe "dominé", Emma n'aura pas l'avantage ? Sans doute ne sera-t-il pas de tout repos, mais on peut espérer qu'il sera riche d'enseignements réciproques : ne manque-t-il pas au fiancé une part du rêve nécessaire à la vie qu'Emma pourra lui apporter ?

Mon premier Jane Austen et je suis mitigée sur cette lecture. C'est bien écrit et j'aime les dialogues dans les romans, mais là il y a beaucoup trop de bavardages sans intérêt, de répétitions ...Tout est très prévisible, on sait de suite qui va finir avec qui, parce qu'il ne faut pas se mentir, c'est un peu le sujet du roman. Alors, bien sûr, il y a une critique de l'esprit de caste, du mariage qui ne peut se faire qu'entre personnes de même niveau social, parce qu'épouser une personne de rang inferieur serait dégradant, mais pour moi cela reste trop superficiel. L'héroïne, Emma, par son attitude et ses sentiments est un bon exemple de ce complexe de supériorité et cet esprit de caste, avec ses convictions, ses préjugés ... ( même si il n'y a aucune volonté de nuire de sa part). Et bien que Jane Austen égratigne en surface la société de l'époque, dans les faits chacun se retrouve avec une personne assez proche de son milieu social. Je pense que le roman aurait gagné à ne pas chercher le happy end à tout prix, car cela donne un roman distrayant, qui amène une détente bienvenue entre des lectures plus difficiles, mais pas plus.

Plongeon dans l’ Angleterre du XIXème siècle en compagnie d’Emma, une jeune femme de la grande bourgeoisie. Emma Woodhouse est une jeune femme belle et intelligente qui, persuadée d’avoir œuvré au mariage de son ancienne gouvernante, se rêve en Cupidon au féminin au sein de son cercle social, sans grand résultat. Tout l’intérêt de ce roman de Jane Austen tient dans l’évolution du portrait de cette jeune femme, dévoilant son charme à travers son évolution personnelle, passant de l’orgueil à une profonde introspection. L’autrice excelle dans l’art de la satire sociale, dépeignant avec finesse les mœurs, les relations et les conventions de l’époque (ces mariages de convenance entre personnes de bonnes familles). Elle a une remarquable capacité à observer et à dépeindre les nuances de la vie quotidienne. Ses descriptions sont empreintes d’un humour délicat qui souligne les absurdités et les faiblesses de ses personnages et de leur milieu. Drôle (les envolées de Miss Bates) ou sarcastique (cette très chère Mrs Elton), Jane Austen n’épargne personne y compris son héroïne qu’elle affuble d’un snobisme parfaitement assumé. Emma reste à mon sens une héroïne un peu à part dans l’univers de Jane Austen. Indépendante, plutôt sure d’elle, c’est un personnage tout en nuances et c’est aussi ce qui fait son charme, et celui de ce classique de la littérature anglaise.