Jeu de peaux : Le livre de Anouk Shutterberg

"Jeu de Peaux" de @anouk.shutterberg_auteure aux @editionsplon Résumé : Un thriller vertigineux dans l'univers fascinant et inquiétant du tatouage traditionnel japonais. 2019. À trente-trois ans, Juliano Rizzoni est un jeune peintre prodige encensé par la scène artistique contemporaine internationale. Jet-setter et jouisseur à l'extrême, il affole autant les Unes des tabloïds que les galeries prestigieuses du monde entier. Initié au Japon à la technique du tatouage Irezumi, aussi violente qu'ancestrale, il signe dix tatouages d'art sur le dos de ses amant(e)s. L'affaire prend une tournure inquiétante lorsque les peaux tatouées sont déposées anonymement chez Sotheby's Paris pour une mise aux enchères hors norme. En l'absence de corps, le commissaire Stéphane Jourdain et l'inspectrice Lucie Bunevial, sont saisis de l'enquête pour homicides multiples.... Une affaire sanglante et terrifiante qui les mènera d'un bout à l'autre de la planète dans le milieu de l'art contemporain. Souvent, lorsqu'on est habitué aux polars, policiers, thrillers on a tendance à deviner un peut quelques événements à venir... Anouk Schuttenberg n'a pas cessé de me couper l'herbe sous le pied, si bien que j'ai été embarquée dans l'histoire jusqu'au bout. Victimes et soupçonnés se confondent dans la noirceur de ce roman... Et ce n'est pas pour déplaire.

Un très bon thriller qui nous laisse entrevoir une suite qui sait ou tout simplement imaginer soi même ce qu'il advient de certains personnages. Je me suis attachée au commissaire Jourdain et un lieutenant Bunevial qui ont à cœur de résoudre l'enquête au détriment de tout le reste

Malgré quelques questions restées en suspens et une construction du récit un peu perturbante qui alterne entre le présent et le passé, nécessitant un petit temps d'adaptation, le livre présente une intrigue bien ficelée et très rythmée. L'histoire est agrémentée de révélations savamment distillées et de nombreux rebondissements qui tiennent le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page. Dans l'ensemble, le roman est prenant et ressemble à une sorte d'énigme jeu de piste à la Da Vinci Code. L'autrice utilise un style d'écriture immersif qui permet de plonger rapidement et profondément dans l'univers sombre et complexe de l'intrigue. L'atmosphère assez sombre et parfois oppressante crée une certaine tension qui ajoute au suspense général du récit. Le roman est ponctué de moments cauchemardesques et l'imagination de l'autrice ne cesse de nous plonger dans ce qu'il peut y avoir de plus sordide chez l'être humain. Ces passages sont décrits avec une telle intensité qu'ils provoquent un sentiment d'inquiétude et de malaise chez le lecteur, tout en restant captivants. L'autrice réussit à maintenir un équilibre délicat entre l'horreur et la fascination, rendant le récit d'autant plus poignant. J'ai particulièrement apprécié l'idée d'une intrigue centrée autour du thème du tatouage. Ce sujet est abordé de manière originale et approfondie, ce qui se traduit par des descriptions détaillées et crédibles qui enrichissent l'histoire. Le tatouage, dans ce contexte, devient plus qu'un simple art corporel ; il se transforme en un symbole chargé de significations profondes et de mystères à dévoiler.

Aujourd’hui je voudrais vous présenter une jeune femme qui cache bien son jeu, Anouk SHUTTERBERG. Derrière son apparence douce, son approche tendre, une plume, une lame ciselée tranche chirurgicale. Une jeune auteure rencontrée cet été sur le salon de 22 V’là le Polar organisé par Jean-Marc BLOCH mais pas que, à Pornic. Cela faisait quelques temps que je voyais passer des retours de livres d’Anouk sur les réseaux sociaux, et ma curiosité aiguisée de plein fouet je voulais rencontrer cette jeune auteure. Nous nous sommes revues quelques semaines plus tard sur un autre salon. Aujourd’hui je voudrais vous parler de son tout premier livre, et déjà un GRAND livre, Jeu de peaux. Important de préciser que c’est son premier roman car à aucun moment on ne peut l’imaginer. Vous êtes joueur ? Alors suivez-moi, que la partie commence, car vous allez voir, la partie va être mortelle. Parlons tout d’abord de la couverture. Editions Plon. Nous découvrons un dessin qui pourrait être la représentation d’une personne se faisant tatouer (car il sera question de tatouages dans ce livre). Nous voyons cette personne qui mord une corde. La douleur serait-elle si intense qu’il est obligatoire de mordre un lien pour ne pas crier ? Tout dépend peut-être du tatouage, de sa réalisation. Perso, plutôt de bons souvenirs et aucune souffrance, peut-être parce que pas tatouée selon ces rites japonais Irezumi, cet art ancestral où sont associés plaisir et douleur. Petit détail qui a son importance, le dessin de la couverture ne s’arrête pas à la première de couverture, mais continue sur le dos (appelé à tors ‘tranche’, le dos est la partie visible lorsque votre livre est dans une bibliothèque, à ne pas confondre avec la quatrième de couverture, derrière le livre, où est généralement écrit le résumé). Donc revenons-en au livre en lui-même. Nous démarrons l’histoire au 36 rue Bastion. (Nous devons nous familiariser avec cette rue, c’est la nouvelle adresse du 36 quai des Orfèvres, ils ont cependant gardé la numérotation). Il y a un attroupement impressionnant de journalistes et de curieux. En effet, un jeune artiste peintre, Juliano Rizzoni doit venir déposer. Du haut de ses 33 ans cet artiste de génie est la cible d’une enquête. Il vient accompagné de son « Pitbull » Maître Stella McKnee ténor du barreau du haut de sa petite quarantaine. L’artiste accompli ne prend plus comme support des toiles mais le dos de ses amant(e)s. Avec une touche du peintre Le Caravage et sa technique du clair-obscur, se rapprochant du style de Bosch. Et lorsque ces 10 dernières (les peaux) se retrouvent expédiées chez Sotheby’s Paris pour une vente aux enchères hors normes, la première question est de savoir : où sont les corps qui y étaient rattachés ? Toutes ces personnes qui ont disparues depuis un mois. Les peaux sont accompagnées d’un certificat d’authenticité et d’une autorisation de vente signée de leur ‘’propriétaire’’. D’où sa comparution au 36. Il sera auditionné par le commissaire Stéphane Jourdain, chef de la 1ère DPJ, grizzli semble l’adjectif qui le qualifie le plus fidèlement. Il est accompagné de sa dernière recrue, Lucie Bunevial, commandante en chef du groupe à 26 ans à peine, des études poussées dans l’art avant de se tourner vers une carrière dans la police. Question tout de même : la peau est un organe humain. La législation française n’autorise pas la vente d’organe humain en France. Cependant selon Maître McKnee la peau tatouée une fois retirée du corps passe à ce titre sous la dénomination d’un ‘’bien meuble’’ et peut de ce fait être l’objet dune vente. Quid dans ce cas d’un organe qui serait prélevé, donc retiré du corps humain ? un rein, un cœur ? Cette vente deviendrait-elle légale au regard de la législation française selon cette avocate ? Anouk va nous entraîner, doucement et sûrement. Nous découvrons la vie de Juliano Rizzoni, doué dès son plus jeune âge pour des talents artistiques, né avec une cuillère en argent dans la bouche, bien entouré pour faire fructifier son patrimoine dont il n’a cependant que faire. Il a une autre quête en lui, et suite au succès d’une exposition à Tokyo, Juliano disparaitra en septembre 2010, durant deux ans pour s’approprier la technique du tatouage « Irezumi » auprès d’un des plus grands tatoueurs japonais, Yoshihito Nikano, maître Hogoshi III au Japon. À ce moment-là nous vivons, respirons japonais tellement Anouk nous baigne dans ce monde. Ce livre se dévore littéralement, nous faisons des aller-retours, tant dans le temps que géographiquement sur la mappemonde, du Japon sur l’île d’Hokkaido à Paris, à L.A. en passant par Belgrade ou Subotica en Serbie. Les chapitres nous situent systématiquement, s’alternent entre le retour de l’artiste en 2012 et en juin 2019 quand les peaux sont déposées à la galerie. Nous découvrons peu à peu les rapports entre l’artiste et ses conquêtes. Tout se met en place, parfois Anouk nous dépose subrepticement un indice, différentes stratégies germent en notre esprit. Certains chapitres sont en italique, des apartés où on se retrouve dans la peau de celui qui est derrière toute l’histoire, celui qui vérifie que les éventuels acheteurs lors de la vente n’achèteront que dans un élan artistique, « et non pas pour le reste », ce que Lucie semble avoir découvert et qui de ce fait la met en danger. Anouk nous balade où elle veut dans cet univers d’art contemporain, nous distille un à un les ingrédients noirs de ce jeu. On retourne en arrière, on passe d’un personnage à un autre en ayant la sensation d’être manipulé par l’auteure qui tire les ficelles à sa guise. Démoniaque. Rien n’est laissé au hasard, tous les personnages deviennent suspects, ces ombres croisées apportant un vêtement retouché ou une boite de cigares cubains. Toujours regarder derrière soi, voir si une ombre, un visage d’ange ne vous emboite le pas…