La Colere : Le livre de S. A. Cosby

C'est un livre que j'ai lu assez facilement dans le sens où l'histoire est captivante il y a de l'action et c'est bien écrit. Mais j'ai eu l'impression de regarder un bon film à l'américaine. Donc pour moi ça mérite pas 4 étoiles mais je vous le conseille tout de même, vous ne vous ennuierez pas à.

S.A. Cosby est manifestement l’auteur à suivre en ce moment dans le petit monde du polar. Critiques dithyrambiques, interviews, portraits, il a eu droit à tous les honneurs des médias spécialisés. “ La colère “ est son deuxième roman. Nous sommes en Virginie, état du sud des U.S.A. Ike et Buddy lee ne se connaissent pas encore. L’un est noir, l’autre blanc. Et ils ont des points communs. Le premier, c'est leur passé de truands, criminels et taulards dont ils se sont affranchi en tentant de devenir des citoyens ordinaires et respectables. Le second, c'est le fait d’avoir perdu leurs deux jeunes fils respectifs dans un assassinat. Enfin, pour finir, Ils ont réagi tous les deux violemment et de façon pitoyable quand leurs fils leur ont annoncé leur homosexualité et le souhait de se marier. C'est d’abord un livre sur le remords. Celui qui ne vous lâche plus, qui vous gangrène, une douleur insondable qui persistera jusqu'au dernier souffle. En l’occurrence, c'est celui de Ike et Buddy lee, qui aimaient profondément leurs rejetons, des gars bien de surcroît, et qui’ils ont rejetés malgré tout parce qu'ils s’aimaient. Et du remords à la colère, il n’y a qu'un pas que les deux pères vont allègrement franchir. Colère contre eux même d’abord, d’avoir été aussi cons, puis envers les assassins et leur commanditaire. S.A.Cosby ausculte avec acuité (et humour) l’Amérique profonde, celle qui vit en dehors des grandes métropoles. Il sait manifestement de quoi il parle, puisqu'il est né et a vécu dans une famille pauvre dans l’état de Virginie, où il réside encore. Il dénonce la bêtise crasse, l’inculture, le racisme patent et l’homophobie, et aussi la fierté débile d’appartenir à un clan ou de suivre aveuglément une bannière. Toutes ces tares se retrouvent dans le gang de suprémacistes blancs auquel vont être confrontés les deux papas vengeurs. Le duo Ike / Buddy Lee est franchement mémorable. On sent le désespoir, la profonde humanité qui s’en dégage malgré leur violence latente. L’attention que porte l’auteur à ses personnages ainsi que la justesse de l’observation sociétale, ici l’Amérique Trumpiste, évoque immédiatement un autre grand écrivain, en l’occurrence Denis Lehane. Mais un Lehane sous acide, parce que entre les explosions de violence et flinguages façon Tarantino et les répliques parfois hilarantes de Buddy Lee, on rit aussi beaucoup. Ce roman est un gros kiff, et la réputation montante de S.A.Cosby est amplement méritée. Dernière chose, ce livre est taillé pour le cinéma ( comme ceux de D. Lehane, encore..) et, vu que les droits ont été cédés à un studio, nul doute qu’une adaptation cinématographique verra le jour .

Rencontré à l'occasion du festival Quais du Polar à Lyon, S.A Cosby a su s'imposer en trois romans dans la cour des grands auteurs polar US. J'avais hâte de me plonger dans la lecture de "La colère": ce roman tient-il ses promesses ? Assurément ! Ike et Buddy Lee ont trois choses en commun: leurs fils étaient mariés entre eux, leurs fils ont été assassinés laissant derrière eux une orpheline, enfin ils sont animés du même désir de vengeance. Ils endossent alors le costume de papys flingueurs, renouant avec un univers de violence. La grande force de S.A Cosby est sa façon brut(al)e et sans concession de s’emparer des sujets de l’homophobie et du racisme pour les dénoncer à travers un roman noir qui est un digne successeur du genre et où la colère, si elle a plusieurs niveaux, est avant tout celle qu’Ike et que Buddy Lee ressentent envers eux-mêmes. Deux personnages mémorables, que tout oppose...Et pourtant se découvriront dans toute leur altérité à travers le deuil.

J'ai dévoré ce roman ! Et pourtant, je lui ai trouvé pas mal de faiblesses. Première faiblesse : la tendance à la caricature. Car dans cette Amérique, certes en Virginie, soit vous faites partie d'une association qui lutte pour les droits de la communauté noire ou de la communauté LGBTQ, soit vous êtes un militant d'extrême droite enchaînant les propos racistes et homophobes. Tout au long du roman, à part un barbier, peu de personnages qui soit entre les deux... Deuxième faiblesse : le manque de crédibilité. Je dois dire que Ike et Buddy Lee sont quand même particulièrement endurants pour des grands-pères dont un est alcoolique. Un coup de masse sur le crâne ? Même pas mal. À peine sont-ils un peu défigurés par leurs nombreuses bastons. Et que dire de la quasi inexistence de la police tout au long du bouquin : fusillades, meurtres, enlêvement, incendies, accidents... Et à aucun moment nos compères ne sont questionnés. Mais ces faiblesses sont compensées par un rythme haletant, une narration sans temps mort, une intrigue qui progresse sans ennui. Et une histoire portée par deux protagonistes attachants dans leur colère, dans leurs regrets, dans leur culpabilité envers le rejet de leurs fils respectifs. Dans leur mépris d'eux-mêmes. Malgré la violence d'Ike et le côté parfois un peu beauf de Buddy, je les ai bien aimés, ces deux-là. Bref, j'ai dévoré ce bouquin, et j'ai passé un bon moment. C'est finalement tout ce qui compte.