La conjuration des imbéciles - nouvelle édition : Le livre de John Kennedy Toole
Par ce seul livre posthume, John Kennedy Toole gagna une place à part, et une des premières, dans la littérature américaine contemporaine : il reçut le prix Pulitzer en 1981 pour ce roman tumultueux - gargantuesque tragicomédie située dans l'ambiance grouillante des bas quartiers de La Nouvelle-Orléans.
Lors de sa publication en France, la même année, l'accueil fut tout aussi enthousiaste, et ce roman-phénomène fit écrire à Jean Clémentin, dans Le Canard enchaîné, les lignes suivantes, toujours d'actualité :
" Un ouvrage de génie comme il n'en paraît pas beaucoup par siècle... Il faudrait des colonnes entières pour détailler les cruautés, les trouvailles, la verve épicolyrique, la puissance de cet ouvrage.
Cette audace, son auteur l'a payée au prix fort : déprimé de ne pas trouver d'éditeur, il s'est suicidé en 1969, à trente et un ans. Onze ans après, sa mère, remuant ciel et terre, réussit à trouver une minuscule maison d'édition, en Louisiane... Alors seulement les " grands " éditeurs et l'establishment intellectuel américain le découvrirent et s'en emparèrent, lui donnant, pour faire bonne mesure, le plus grand prix littéraire des États-Unis et ajoutant ainsi, par leur aveuglement premier et leur emballement final, un chapitre très significatif, une démonstration en quelque sorte, à La Conjuration des imbéciles. "
De (auteur) : John Kennedy Toole
Traduit par : Jean-Pierre Carasso
Expérience de lecture
Avis Babelio
un_appetit_livresque
• Il y a 2 mois
Introduit comme le Don Quichote américain (je n'ai pas encore lu Cervantes mais ce ne saurait tarder), on se demande au cours de la lecture jusqu'où est capable d'aller la bêtise d'un être et sa mégalomanie, et je ne dis pas ça pour un seul personnage du livre. Ils ont tous leurs travers, leurs lubies, leurs fixettes. Cette satire sociale nous mène dans situations improbables, des conversations lunaires avec des personnages toujours persuadés d'être dans leur bon droit. C'est aussi frustrant que jouissif quand le vent change de sens !
Soundandfury
• Il y a 2 mois
Nouvelle-Orléans, années 60. Ignatius Reilly, homme adulte ayant suivi des études aussi longues que possible, vit cloîtré chez sa mère, dans sa piaule malodorante. Dédaigneux, colérique, égoïste, réactionnaire, persuadé d'être un génie méconnu, il a un avis critique sur tout, de nombreuses névroses, fait une fixation sur le fonctionnement de son système digestif et a toutes les apparences de sérieux blocages sexuels. Son existence consiste à écrire rageusement dans des cahiers et à se goinfrer. Alors lorsqu'une dette contractée par sa mère le contraint à se chercher un boulot, croyez bien qu'il va y mettre toute la mauvaise volonté possible. C'est toujours délicat, un roman dont le personnage central est détestable. J'ai déjà changé plusieurs fois la catégorie de cet article, qui était au départ dans les urgences (les coups de coeur) et puis je l'en ai ôté, je ne sais pas bien pourquoi. Et ce soir, allez, je l'y remets. Je n'identifie pas bien ce qui me fait hésiter car j'ai ri plusieurs fois et je trouve qu'il y a quelque chose du chef d’œuvre dans la galerie de personnages secondaires (la mère bien sûr, les pantalons Levy, le night-club pitoyable) . L'écriture ne m'ayant pas déçue non plus... c'est quoi mon problème, en fait ? C'était très bien.
Christw
• Il y a 2 mois
Le destin de l'auteur John Kennedy Toole (1937-1969) a contribué à forger celui de son livre. Écrit dans les années soixante, "La conjuration des imbéciles" ne trouvant aucun éditeur, Toole, au désespoir, se donna la mort en 1969. La persévérance de sa mère fit que le roman aboutit chez l'écrivain Walker Percy : celui-ci, d'abord réticent, fut conquis par le personnage central, Ignatius Reilly, et conclut que c'était un très bon roman. Proposé à un éditeur qui le publia en 1980, il obtint un immense succès et le prix Pulitzer l'année suivante. Ce roman burlesque s'inscrit dans la tradition sudiste des grands romans de peinture sociale. "Écrit dans la meilleure tradition picaresque, férocement humoristique, dans un argot que le traducteur a eu bien de la peine à rendre, usant d'une langue artificielle, graphique, qui ne facilite pas la lecture, car n'est pas Raymond Queneau qui veut" (je tire cette dernière phrase d'un podcast de George Peyrou sur France Culture). Ce livre de John Kennedy Toole est un tableau extraordinaire de La Nouvelle-Orléans, avec ses illusions, ses vices, ses règlements de compte, ses farces, tandis le grotesque et le sordide apparaissent sur un fond de bonhomie. En exergue, la phrase de Jonathan Swift – "Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui " – annonce le portrait d'Ignatius Reilly, un Don Quichotte obèse, paranoïaque et en révolte contre le monde moderne tout entier. Ce roman est comique, mais d'un burlesque triste, on songe à Buster Keaton ou Woody Allen. On y perçoit une méfiance, un rejet du Sud à l'encontre de la modernité du Nord. Pour bien saisir le pathétique du livre, il faut se replonger à l'époque des années soixante où l'ensemble des États-Unis connaît un malaise sociétal. J. D. Salinger est apprécié, qui aspire à un bien-être zen, quasiment mystique ; dans le Sud, Flannery O'Connor, romancière catholique, raconte des histoires d'infirmes, de fous et d'idiots, car ce sont eux qui ont raison contre une société d'abondance qui s'enfonce dans le matérialisme. Ignatius est de ces contestataires transposé dans un roman bouffon. On aurait tort de lire "La conjuration des imbéciles" sans le situer dans ce contexte pathétique, pour n'y voir que les divagations d'un idéaliste bavard et asocial, qui accumule initiatives grotesques et catastrophiques, ainsi que les désagréments liés à un anneau pylorique capricieux, générateur de rots et flatulences. Certains lecteurs seront dérangés par les balourdises, mais aussi par par les tentatives de Jean-Pierre Carasso pour traduire l'argot de La Nouvelle-Orléans : « S'y d'vait m'demander d'l'épouser, sur-le-champ, j'y dirais oui, j'y dirais comme ça « d'accord Claude », sans avoir à réfléchir une seconde. Chte l'dis, Ignatius, j'le f'rai pasque j'ai bien l'droit d'avoir quelqu'un qui m'traite gentiment avant d'mourir » [p.493]. On rencontre aussi, parmi d'autres, le « bouligne » (bowling) ou « ticheurte » (tee-shirt). C'est déroutant mais, pour ma part, j'ai trouvé cela amusant et bien rendu. Une clé subtile est révélée par une anecdote de la fin du livre. Elle est inspirée des réflexions de Jacques-Pierre Amette (voir le podcast de France Culture). Rex, le chien d'Ignatius, est enterré sous une croix celtique devant la petite maison de quartier qu'il partage avec sa mère. On apprend qu'adolescent, il a demandé à un prêtre de faire les funérailles de l'animal et a essuyé un refus. On peut y voir la source du traumatisme du garçon, car le refus de la grâce pour l'animal fait que, par renversement, c'est la société entière qui est hors grâce. Le roman est un procès, avec tout ce qu'il comporte de trivial, de grotesque et d'amusant, mais un procès terrifiant d'Ignatius contre une société qui ne consent pas au regard d'un chien. Vu sous cet angle, il peut paraître essentiel de s'attacher aux aventures d'Ignatius Reilly.
MartinEden87
• Il y a 3 mois
L’inadaptation sociale est une source inépuisable en littérature et elle s’accompagne presque toujours d’une exagération des traits. Satire sociale qui lorgne vers le grotesque, c’est ainsi qu’on pourrait résumer La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. Son personnage principal, Ignatius J. Reilly, vit encore chez sa mère à 30 ans dans un quartier populaire de la Nouvelle-Orléans. Obèse toujours coiffé d’une casquette verte et arborant une longue moustache lui donnant des airs de vieux morse mal léché. Une physionomie peu banale qui s’accompagne d’une hypertrophie de l’EGO. Ignatius a une haute opinion de lui-même et il tient à faire connaître ses goûts d’esthète à la face du monde. Malheureusement, il n’a que pour unique auditoire la population prolétaire de la Nouvelle Orléans. Ce grand hypocondriaque dont la moindre contrariété engendre des soucis gastriques – nouant ou dénouant son anneau pylorique – va voir sa vie basculer le jour où sa mère lui demande de se trouver du travail. L’absurdité de la condition humaine est une thématique qui me séduit énormément en littérature. Et c’est encore plus vrai lorsque cela s’accompagne d’un humour corrosif. Les inadaptés, ces gens qui vivent à contre-courant de leurs semblables, ont beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes. C’est avec enthousiasme que je me suis d’abord lancé dans cette lecture. L’humour y est effectivement omniprésent. Mais j’ignore si c’est parce que le récit s’étire beaucoup trop en longueur, il finit par ne plus produire ses effets. Une fois que le lecteur est habitué au fonctionnement et à la personnalité d’Ignatius, il n’est plus surpris par les situations qu’il engendre. À titre d’exemple, j’ai vu venir assez vite et plusieurs chapitres à l’avance, l’issue pathétique de la mise en place d’un numéro de music-hall impliquant un cacatoès dans un vieux bouge du quartier français. Il était inévitable qu’Ignatius y prenne part, avec les conséquences que l’on peut aisément imaginer. Outre la longueur, je pense que les nombreux ressorts comiques finissent par un peu tomber à plat à cause d’une absence de ruptures de tons. J’estime qu’il y a un manque de normalité autour d’Ignatius. Ce dernier, outre sa physionomie et ses discours emphatiques, dépareille finalement assez peu des personnages qui croisent son chemin. Il faut un décalage pour créer de l’humour, encore faut-il que ce soit l’objectif visé. On pourra toujours me rétorquer qu’il s’agit d’un vernis que l’auteur applique sur son histoire. Et que le fond, cette critique des années 60 consuméristes, cette opposition entre l’intellectualisme des villes et un Sud pas encore débarrassé de ses préjugés liés à son passé esclavagiste, est le véritable nœud du récit. Toutefois, je remarque qu’il y a comme un consensus autour de ce livre. Un sentiment mitigé qui revient régulièrement dans les nombreux retours que j’ai pu lire. Il possède des qualités indéniables, mais dans un genre similaire, je trouve John Fante plus efficace et surtout plus drôle.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Étranger
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- EAN
- 9782221100172
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- Collection ou Série
- Pavillons
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 408
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- Dimensions
- 217 x 138 mm
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