La version qui n'intéresse personne : Le livre de Emmanuelle Pierrot

Au Québec, ce livre a gagné le prix des libraires 2024 catégorie «roman, nouvelles, récit» et je me demande bien pourquoi. Certes, le sujet est particulier, inhabituel, mais il n’y a rien de remarquable quant à l’écriture qui m’a semblé correcte, sans plus. En gros, la narratrice va s’établir à Dawson, vit quelques années au sein d’une clique de marginaux dont elle finit par se faire exclure suite aux manigances d’un copain d’enfance à qui elle a refusé ses faveurs. Ce récit pourrait être poignant, mais l’autrice n’a pas réussi à m’émouvoir sauf lorsque la clique maltraite son chien; c’est dire le peu d’empathie que j’ai eu pour son héroïne. Car celle-ci s’éclate, s’étourdit dans l’alcool, la drogue et le sexe, s’insère dans un groupe de personnes peu recommandables pour poser ensuite comme victime lorsque les choses ne vont plus à son goût. Chacun est bien libre de vivre sa vie comme il l’entend, mais il faut assumer les conséquences de ses choix. Vrai que la narratrice fait mal paraître, à raison, ses ex-amis, surtout le harceleur à la fin du livre, mais un peu d’introspection de sa part équilibrerait sans doute les parts de responsabilité de tout un chacun dans cette rupture dramatique. Bref, livre qui n’a m’a pas convaincu bien qu’il ne soit pas inintéressant.

Une des phrases du résumé me semble très percutante : "Mais une femme sans honte se déshonore, et contre une femme sans honneur, tous les coups sont permis." Non, il ne s'agit pas d'une femme qui dénuderait une quelconque partie de son corps dans un pays rigoriste, mais d'une jeune punk canadienne qui a vécu librement sa sexualité et sa vie amoureuse au sein d'une communauté se réclamant pourtant féministe et subversive. Elle n'aurait jamais pensé pouvoir être pour cela châtiée et ostracisée par ses propres amis devenus bourreaux, mais c'est bel et bien ce qui s'est passé, jusqu'à l'horreur. On suit donc le parcours de Sacha, une écorchée vive depuis l'enfance, qui trouve refuge dans l'extrême nord canadien, où elle se trouve une famille de jeunes marginaux qui partagent son mode de vie. Malheureusement, c'est celui dont elle était le plus proche qui la trahira par jalousie, et s'ensuivra une lente descente aux enfers, d'abord insidieuse, puis assumée et violente. Une infamie inattendue et incompréhensible dont la narratrice tente de décrire tous les rouages, sans s'épargner, mais en remettant les faits à leur juste place. La version qui n'intéresse personne porte bien son titre, un cri désespéré et désespérant, car comme souvent, à la fin, c'est le patriarcat qui gagne.

Merci à mon amie québécoise de m’avoir expliqué pas mal de choses au niveau du contexte et des expressions. Je ne saurais pas dire si j’ai aimé ce livre parce qu’il m’a touchée et que, dans quelques semaines, je reviendrais dessus en me disant « huh meh. » ou si j’ai réellement aimé parce que l’histoire est intense, dure, et qu’elle touche à des malheurs quotidiens et sociaux qui résonnent facilement. Je suis une petite chose fragile qui, dès qu’elle est capable de s’identifier à une déception ou un malheur ressent très fort la tristesse, là où un échec grandiose de personnages grandiloquents me fait généralement l’effet d’un verre d’eau un peu trop tiède. La première partie m’a plutôt laissée de marbre, quelques passages rigolos, mais la suite interminable de « j’ai consommé ça, fait ça, bu ça, pris telle drogue, vu tel mec, fait ça pendant l’été, eu froid, eu faim, beaucoup bu, puis consommé ça » m’a surtout fait penser à certains romans sociaux bobo parisiens de jeunes en déshérence ou au comportement autodestructeur dont il n’y a rien à retirer. Et puis le cercle social de Sacha change et une longue descente aux enfers douloureuse à lire et qui marque profondément commence. Probablement (en partie) autobiographique, l’autrice était aux mêmes endroits que Sacha pendant la période donnée, quant à savoir à quel point il s’agit d’elle ou d’une de ces histoires qui se répètent à Dawson, difficile de le savoir. En tous les cas, c’est un cri du cœur assez puissant, et pour un premier roman, très maîtrisé à la fois dans l’écriture et dans le rythme.

J’ai découvert ce livre en lisant les livres proposés pour le concours de Paris. J’avoue qu’il m’a donné un mal de tête. C’est l’histoire un peu classique de deux jeunes qui s’aiment sans se l’avouer et vivent leurs vies chacun de leur côté dans une ville du fin fond du Canada, loin de tout. Ils travaillent quelques mois par an et vivent le reste du temps entre amis, à survivre au grand froid. Le jour où l’un d’entre d’eux (elle) tombent amoureuse d’un autre, tout se détraque dans leurs relations et ils vivent, eux et leurs amis, une situation de huis clos, le tout dans un univers de boissons, de drogue et de sexe. Ce roman est canadien, plus exactement canadien français. Alors plein de mots, tournures, expressions.. m’échappent. c’est plaisant un temps, mais finalement fatigue. Alors, si vous voulez tester le parler canadien, testez-le. Sinon, vous pouvez passer votre chemin.