Le Sang des innocents : Le livre de S. A. Cosby

Je découvre, avec bonheur, S.A.Cosby. Le style est efficace, sobre mais fort en images projetées et d’apparence naturelle. Les personnages sont bien incarnés, même si un peu nombreux au risque de s’y perdre (tendance déjà observée chez d’autres auteurs de polars américains). L’histoire est cohérente et maintient en haleine. J’ai un peu accéléré la lecture sur certains paragraphes qui s’étiraient, mais peu. Les ambiances sont fortes et les thèmes abordés avec beaucoup de réalité. Une belle impression qui donne envie de lire d’autres livres du même auteur.

Être shérif et noir dans le comté de Charon (Sud des Etats Unis), c’est avoir le cul entre deux chaises. C’est le cas de Titus, peu apprécié de la communauté blanche raciste qui perpétue le culte des confédérés, mais aussi considéré comme un traître par les autres noirs. Pourtant Titus, malgré ses côtés maniaques, est un ancien agent du FBI très compétent, bien qu’il traîne quelques boulets derrière lui. Et voilà qu’un élève noir, Latrell, va assassiner à coups de fusil Spearman, le professeur blanc le plus apprécié du lycée et de la ville. Un tireur abattu par les adjoints de Titus (blancs) ce qui va poser la question de la légitime défense. Mais en fouillant du côté du professeur, celui-ci révèle une personnalité de prédateur, menant aux cadavres de six jeunes noirs torturés et exécutés par Spearman, Latrell et un autre individu masqué, qui court toujours dans la nature et n’a pas fini d’effacer brutalement ses traces. Le contexte et l’histoire sont intéressants, malgré quelques longueurs dûes aux atermoiements de Titus sur ses femmes ou sur sa famille, avec un peu trop de pathos à mon goût, comme sa conviction exacerbée que son devoir est de protéger ses concitoyens. Les réticences du shérif quant aux multiples églises évangéliques et leur hypocrisie sont en revanche salutaires. Titus aurait bien du mal à vivre dans l’Amérique de Trump…

1er livre que je découvre de cet auteur. J'ai adoré tout y est le décor américain, l'intrigue, le shérif noir qui fait de son mieux pour résoudre les meutres au coeur d'un endroit où on ne lui facilite pas la tâche. Un vrai coup de coeur pour cet auteur!

Nous sommes en Virginie, dans le comté de Charon, un comté presque calme, un comté dans lequel pourtant Titus, le shérif, et ses adjoints sont appelés pour une fusillade dans un lycée. Latrell, un jeune homme noir a tué le professeur le plus aimé du lycée avant d'être abattu par l'un des adjoints. Fin de l'histoire ? Non, pas vraiment. Plutôt le début, au vue de tout ce que Titus mettra au jour. J'ai aimé ce roman, sa puissance, son ampleur, sa force narrative - parfaitement restituée par la voix chaude et nuancée de Jean-Paul Pitolin. Nous sommes dans le Sud, le Sud qui n'admet pas vraiment son passé, ou plutôt qui le célèbre, le glorifie. Le racisme ? Omniprésent. Caché ? Absolument pas. Exhibé plutôt, comme une norme. C'est peu de dire que de voir un shérif noir faire la loi fait mal à certains. Titus, lui, se souvient très bien de toutes les exactions commises par ses prédécesseurs, de tous ce sur quoi ils ont fermé les yeux, de la simple peur aussi de se retrouver arrêtés parce que l'on n'a pas la bonne couleur de peau. Il voudrait que ses administrés n'aient plus peur de ceux qui sont censés vous protéger et vous servir, et ne l'ont pas fait. La preuve en sera avec tout ce que Titus mettra à jour. Je me dis... que cela fait beaucoup à porter pour lui, lui qui est revenu officiellement dans ce comté pour prendre soin de son père, qui venait tout juste de subir une intervention chirurgicale. Il ne s'agissait pas de faire la paix avec lui, s'il est une personne avec laquelle Titus doit faire la paix, c'est avant tout avec lui-même. Il est question de la religion, aussi. Si Albert, le père de Titus, a trouvé son salut dans la foi - pour ne pas dire qu'il a pu survivre grâce à la foi, il en est d'autres qui n'ont de croyants que le nom. Là où fleurissent des églises dont les rites n'ont de cesse de m'étonner, fleurit aussi le pire de ce dont l'être humain est capable au nom de sa religion - ou plutôt de son intolérance, de ses préjugés, de son orgueil. "Protéger", un mot dont certains ignorent totalement le sens. A lire, à écouter si vous ne connaissez pas déjà cet auteur. A lire, à écouter, si vous avez été touchés par les oeuvres de David Joy.