Les hauts de Hurlevent : Le livre de Emily Brontë

- Si vous nous racontiez votre expérience de lecture, cher babéliote chafouin ? - Wuthering Heights est une vraie leçon de misanthropie. D'ailleurs je trouve à ce Mr Heathcliff une qualité appréciable dans sa détermination à mettre à bas l'hypocrisie crasse qui sous-tend la société dans laquelle il évolue ! Quel homme admirable ! - le roman de la cadette des soeurs Brontë a longuement été commenté, qu'ajouter ? N'est-ce point plutôt le roman d'amour type ? - Amour… peut-être y en a-t- il, bien que les niaiseries s'y rapportant puissent difficilement être qualifiées de la sorte. Une oeuvre sociale plus certainement pour un lecteur moderne. Mon premier sentiment a été une forme de surprise devant ce personnage de Mr Lockwood, ouvertement méprisant envers la « la gent domestique », avec ses manières de conquérant hautain qualifiant ses hôtes de « Misérables habitants », méritant pour leur soi-disant grossière inhospitalité, de rester à perpétuité isolés de leurs semblables. - Mais, c'est aussi le cas du personnage principal que vous venez de louer. Ce Mr Heathcliff, décrit par le locataire de Thrushcross Grange est affreux. La narration de son histoire par la brave Mrs Dean est édifiante : c'est un monstre ! - Pas de mon point de vue. C'est un justicier. - Comment cela ? - Si vous observez le comportement de chacune des « victimes » de Mr Heathcliff, vous y retrouverez toutes les caractéristiques des comportements d'une classe dominante oisive et dont le seul revenu vient de leur héritage. Ils font travailler les autres à leur profit. Comme les héritiers capitalistes d'aujourd'hui, à une échelle plus modeste, pré-globalisation. - Mais, cela n'explique pas la haine que leur voue Mr Heathcliff, puisque finalement, il devient comme eux et affiche le même mépris de classe envers ses domestiques, Joseph en tête… - Il l'a subi enfant et décide de leur rendre la monnaie de leur pièce. Il aimait celle qui allait devenir Catherine Linton. Lorsqu'il l'entend dire « Ce serait me dégrader moi-même, maintenant, que d'épouser Heathcliff », comment le comprendre autrement que comme l'expression d'une supériorité intégrée par ces familles possédantes ? - C'est d'amour dont il s'agit ! - Non pas, c'est du calcul. On épouse à niveau égal, à classe sociale équivalente. le bal des débutantes des parasites d'aujourd'hui et ses différentes variantes a d'ailleurs toujours la même fonction : préserver le capital de tout risque de redistribution, patrimoniales et d'influence. C'est par ce biais que Mr Heathcliff va assouvir sa vengeance. L'amour n'existe pas, les tableurs de Mc Kinsey le prouvent chaque jour. - Et cette folie de Catherine ? - Elle est perdue, elle ne comprend plus. Elle a choisi l'option calcul et son cœur, car même les parasites ont un cœur, qu'ils mettent en sourdine cela va de soi, son cœur donc ne bat plus au rythme de ses deniers. Alors elle perd la tête, elle n'a pas de solution. - Vous présentez cette pauvrette sous un jour injuste, presque comme un monstre ! - C'est un monstre, elle n'a que ce qu'elle mérite. Ainsi d'ailleurs que son frère, le pathétique Earnshaw, son mari, le souffreteux Linton dont on espère la mort à chaque page… - Oh mon Dieu ! - Parfaitement, de chapitre en chapitre, on attend la mort de chaque protagoniste et on est même finalement déçu à la fin qu'un rejeton de ces familles s'en sorte. Mais rien de surprenant finalement, on ne se débarrasse pas si facilement des parasites. C'est historique.

Je m'attendais à un truc cucul-la-praline à la Jane Austen, mais en fait j'ai reçu trois claques et un coup de bâton dans le dos ! C'est gothique et machiavélique et oppressant du début à la fin. Dans ce roman, l'amour, impossible et pourtant passionnel de Heathcliff, va se traduire par une quête de vengeance auprès de deux familles qui vont toutes finir par sombrer dans la destruction et la mort.

Aimant beaucoup la littérature Anglaise, je me suis dit que je ne pouvais pas passer à coté du chef d'oeuvre d'Emily Bronte. Alors je me suis lancée... et j'ai adoré. Ce livre mêle la complexité de l'amour et fait ressortir tous le mauvais qui peut en découler. Alors même que la plupart des livres en font découler le bon. Heathcliff est détestable, mais à la fois si attachant quand il parle de Catherine. Je crois qu'il faut voir plus loin que ce qui est écrit et essayer de comprendre le ressenti de chacun des personnages pour arriver à les apprivoiser et les aimer, d'une certaine façon. Tout est une question de psychologie.

J’ai repoussé pendant longtemps la lecture de Wuthering Heights, après avoir lu trop de romans anglais pendant mes études. Mais quelle erreur grotesque. Je n’ai pas plus lâché cette histoire que j’ai dévoré en quelques jours. Ce roman est extraordinaire à tout point de vue, il ne ressemble en rien aux romans anglais traditionnels des Dickens, Hardy, ou Austen. Le personage d’Heathcliff a lui seul s’attire tour a tour la compassion, la haine, ou le dégoût du lecteur, rien ne nous est épargné ici, ni la violence physique, ni l’injustice, ni la haine que se portent les protagonistes entre eux dans ce jeu de mariages forcés et d’amours impossibles. Emily Brönte a laissé au monde un roman cruel et torturé d’une profondeur rarissime, tant les dialogues et la narration recèlent d’intelligence et de méditations métaphysiques bouleversantes. Un chef d’œuvre qui rentre au panthéon de mes livres préférés.