Les Hauts de Hurlevent : Le livre de Emily Brontë

Dans les Hauts de Hurle-Vent, on découvre l'ensemble des personnages et des lieux dès le début du roman et on suit leurs interactions tout au long de l'histoire. Pas de nouvel apport, pas de nouveau décor. Une sorte de huis-clos au grand air. Le récit est presque intemporel puisqu'il se déroule sans référence au moindre événement historique ou politique contemporain de l'intrigue. Seules les relations entre les quelques personnages présentés et les deux bâtisses où ils se répartissent constituent le noyau du récit. On sent l'odeur des vieilles boiseries, la poussière du logement mal entretenu, l'ambiance morose que fait peser sur la maison un Heathcliff sans scrupules. C'est un livre sombre, l'ambiance en est plutôt déprimante et la plupart des sentiments qui animent les personnages sont négatifs: la jalousie, le mépris, la colère. L'amour parvient à s'y faire une petite place, mais à grand-peine, et même ce noble sentiment semble malsain et malvenu dans cette ambiance morne et accablante. Cette lecture ne m'a pas transcendée mais je l'ai trouvée appréciable ; j'ai été mue par l'envie malsaine de voir jusqu'où est-ce que les personnages pourraient s'enfoncer en se nuisant mutuellement et en entretenant des relations conflictuelles. C'est un livre presque cathartique en cela qu'il nous donne à voir en long, en large et en travers les plus sombres aspects de l'être humain. On perçoit pourtant que les personnages ne sont pas plus mauvais que d'autres, mais que cet entre-soi constitue un terreau pour leurs plus vils penchants.

Relecture faite durant un challenge autour des soeurs B sur IG et je ressors étonné encore une fois que ce livre soit considéré comme l'une des plus belles histoires d'amour de la littérature quand ce n'est de un pas le cas et de deux atrocement réducteur du travail d'Emily. À mon sens le cœur du roman est comment la haine peut ronger les âmes tout autant que les conventions sociales qui les briment. Comment Heathcliff pourrait devenir un vrai homme du monde quand il n'a même pas de nom de famille? Lui rappelant par la même perpétuellement sa naissance obscure et ses origines. Emily fait d'ailleurs preuve d'avant gardisme en faisant de son personnage principal un bohémien à minima ou un métisse si l'on va plus loin. Il peut avoir tout l'argent qu'il veut, il sera toujours vu comme un homme s'étant élevé au-delà de sa condition et donc jamais comme un vrai gentleman digne de confiance ou de la main d'une jeune femme de bonne famille. L'aurait-il sincèrement voulu que la Bonne Société l'aurait toujours traité comme un paria. Avec les personnages de Cathy et Isabelle nous avons les deux facettes des choix de la femme de l'époque : la première fait un choix marital rationnel dans l'optique d'aider celui qu'elle aime vraiment et garder son statut social tandis que la seconde fait le choix inverse poussé par une chimère romanesque. Toutes deux payent durement ces choix. Trop quand l'insupportable Nelly caricaturale et créant tout les moments clés s'en sort bien. C'est le seul personnage qui dénote dans l'écriture talentueuse de Emily. Son ingérence perpétuelle et sa stupidité m'ont donné des envies de jeter mon livre à travers la pièce. Ici, les personnages s'aiment mais s'aiment mal tant ils s'aiment eux-mêmes en priorité. Les sentiments mal/non exprimés semblent d'ailleurs jouer un rôle prioritaire tant ils poussent majoritairement à la folie. Emily par ailleurs, souligne le lien que nous avons avec les lieux de notre enfance et comment la dite enfance impacte notre moi adulte. Un tour de force pour une femme ayant écrit dans le fin fond de son Yorkshire tant aimé vers 1840 sans tout ce que l'on sait maintenant sur la psychologie. Un roman brillant aussi touffu, bouillonnant et âpre que lui où même les démons ressentent des choses. Même mal.

Mon entrée dans le roman gothique. En refermant le livre, on continue de s’imaginer les Landes, l’atmosphère mélancolique, l’esprit de vengeance de Heathcliff... C’est un peu comme si l’auteure nous avait dépeint un tableau au fil des pages. Je continue avec les autres oeuvres des soeurs Brontë.

Une histoire féroce et sombre qui s'étire sur plusieurs générations. Emily Brontë pousse les sentiments à leurs paroxysme: l'amour, la vengeance, la jalousie, la haine..., tout dans ce roman montre l'homme dans ce qu'il a de plus excessif. Un roman radical et sans concession aux allures de tragédie Grecque, où les morts viennent tourmenter les vivants, et où la folie guette à chaque instant les personnages. Un grand roman.