Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes : Le livre de Lionel Shriver
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes - Trailer
Un beau matin, au petit-déjeuner, Remington fait une annonce tonitruante à son épouse Renata : cette année, il courra un marathon. Tiens donc ? Ce sexagénaire certes encore fringant mais pour qui l'exercice s'est longtemps résumé à faire les quelques pas qui le séparaient de sa voiture mettrait à profit sa retraite anticipée pour se mettre enfin au sport ? Belle ambition ! D'autant plus ironique que dans le couple, le plus sportif des deux a toujours été Renata jusqu'à ce que des problèmes de genoux ne l'obligent à la sédentarité.
Qu'à cela ne tienne, c'est certainement juste une passade.
Sauf que contre toute attente, Remington s'accroche. Mieux, Remington y prend goût. Les week-ends sont désormais consacrés à l'entraînement, sous la houlette de Bambi, la très sexy et très autoritaire coach. Et quand Remington commence à envisager très sérieusement de participer à un Iron Man, Renata réalise que son mari, jadis débonnaire et volontiers empoté, a laissé place à un être arrogant et impitoyable. Face à cette fuite en avant sportive, leur couple résistera-t-il ?
De (auteur) : Lionel Shriver
Traduit par : Catherine Gibert
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
eugenange
• Il y a 3 mois
Lionel Shriver aime bien la castagne! Dans ce bouquin, dont le titre évoque un temps de record à battre, toutes les rencontres qu’elle fait, semblent des propositions de sport de combat à gagner. J’avais beaucoup aimé son recueil de nouvelles « propriétés privées » du même calibre, balançant entre humour incisif et douche froide. Avec le recul, ces courtes nouvelles me semblent des séances d’entraînements face à un punching-ball, nécessaires avant de se lancer dans ce long roman tenant de la course de fond. Mes métaphores sportives sont liés à la dynamique de ce livre, dont le comportement parodique des personnages frisent le culte de la perfection, et l’obsession des corps musclés et performants. Avec pour viatique existentiel, la question du « A quoi bon tout ça ? » de la narratrice, spectatrice sarcastique des mœurs de cette petite tribu de sportifs enfermés dans leurs mantras chronométrés, et soudés dans le même esprit de corps, ne souffrant pas la moindre intrusion d’un étranger à leur religion. Cette absence de remise en question très affirmée, jusqu'à en faire un challenge de vie, s’étale en arborescence sur tous les personnages du roman. Chacun semble lutter dans son couloir de course! Si Senerata est en difficulté dans son couple, la relation avec ses deux enfants adultes est tout aussi catastrophique. Un garçon, Deacon immature, dealer et toxico ; une fille, Nancee, ayant adhéré à une secte évangélique, toujours dans un état de colère surjouée, rejetant toutes les difficultés qu’elle rencontre dans l’éducation de ses nombreux gamins disfonctionnant, sur sa mère. La vie est un sport de combat perpétuel !. Il est difficile de ne pas transposer Lionel Shriver elle même, dans cette Semerata, à l’œil vif et prêt à en découdre. Une femme approchant la soixantaine, et tombant de haut depuis que son mari lui a déclaré tout de go, qu’il voulait faire un marathon, lui qui n’a jamais mis en un demi siècle, la moindre chaussure de tennis…. Elle va faire connaissance avec les partenaires de club de son mari, préparant le trail. C'est un patchwork d’Américains, qui m’ont fait penser parfois aux membres de la tribu Simpson, dans les interactions un brin caricaturales, éclusant des bonnes bouteilles entre deux performances. Toute l’énergie et la foi parfois naïve des américains se trouve dans ce « if you want, you can ! » pris dans un esprit de corps, et qui ne peut souffrir la moindre remarque d’un tiers. Comment Remington, en est il arrivé là, se demande Serenata ? "Remington", c’est le nom de son mari, est en retraite anticipé depuis qu’il s’est fait virer de son emploi ! Une humiliation cuisante chez ce cadre consciencieux et intègre. Courir un marathon est il une forme de revanche, façon « force de la volonté » ?. Pour Serenata , c’est un défit improbable et risible. Comme venant d’un type qui ne sait pas encore nager et prend le pari de traverser la Manche ! . Que Remington est succombé à ce délire, abîmant leur relation de couple par l’adhésion constante à son lobby, semble pour Serenata du même tonneau que s’il était entré pendant la seconde guerre dans le parti nazi ! Totalement contraire à ce qu’il était, un intellectuel paisible et raisonné. Voilà, c’est un livre où les gens suent comme des bêtes, obsédés par leur temps, et leur tour de taille, mais qui porté par le regard de la narratrice, ouvre plusieurs perspectives critiques, et interrogations. Connaissons nous les gens avec lesquels nous vivons, et que l’age et les épreuves de la vie peuvent faire évoluer ? Chaque époque a ses mythes, ses dadas. La notre, avec son culte du corps parfait, et ses valeurs de performances et de jeunesse éternelle, potentialisées par la force des influenceurs, faisant dans le déni des limites humaines, frise l’indifférence psychotique. Nous sommes là au-delà de la pratique raisonnée du sport détente, mais dans une forme de caricature de l’exercice, et qui pousse certains, loin d’avoir le physique adapté à une pratique extrême, à se mettre en danger de mort. Comment aurait on pu penser qu’une personne qu’on estimait équilibrée, se mettrait à courir vers le précipice, à 60 ans passés, avec une joie et une ferveur infantile. Comment prévenir ?...Autant tenter de convaincre une bande de toxicos que la drogue qu’ils prennent ne va pas leur ouvrir forcément les portes de la perception! Nos traileurs supportent à peine Serenata, quand ils viennent à la maison après leur séance intensive, prendre un petit reconstituant qu’elle leur prépare, en bons pique assiettes. A mesure que la date du trail se rapproche, ils sont obsédés de plus en plus par leur forme, et soumis aux ordres de la coach, omniprésente ! Cette « Bambi » au nom ridicule, mais à la dialectique d’un adjudant chef pervers, distribuant bons et mauvais points, ne souffre aucune contestation. Ils l’écoutent tous, soumis, dans un climat de ferveur religieuse sectaire. Bambi, c’est l’esprit de ces influenceurs en ligne, perclus de vanité, et vous assommant de conseils stupides et contre performants, vous conseillant de ne pas écouter la douleur, mais de retirer tous vos fusibles. Seul, pour cette femme à l’ego boursoufflé, le but compte ! Et sans doute aussi les chèques élevés qu’elle encaisse de Remington, totalement sous sa coupe…..Il faut forcer les corps, les soumettre, au risque de la casse moteur. Des injonctions militaires qui vont alimenter un conflit permanent avec notre héroïne, lors de ces multiples retours de training à la maison….Mais pourquoi ne les fout elle pas à la porte, se demande le lecteur ! . Si Serenata est critique, c’est que ses genoux trop sollicités par une pratique abusive du sport, ne sont plus que des serrures rouillées et grinçantes à chaque mouvement qu’elle fait. Cette expérience douloureuse lui a donné une certaine conscience sur les soit disant bienfaits du sport addictif ! Senerata a donc une légitimité indiscutable, mais est pourtant blacklistée, ignorée du débat. Une fatwa de silence s’impose insidieusement sur elle. J’en suis arrivé à me demander si Lionel Shriver, ne parlerait pas, au delà de ces endoctrinés , de la société américaine actuelle, et des ses dérives sectaires, tribales, telle que la « cancel culture », dont l’esprit d’intolérance est d’exclure tout ceux qui refusent la ligne admise. Je parle de cette « cancel culture », ou une expression, un titre, le contenu entier d’un livre sont jugés offensants pour les minorités ! Comme « l’oiseau moqueur » de Harper Lee, pourtant plein d’humanité, et qui a été sorti des collections des bibliothèques publiques. Des livres « has been » et jugés politiquement incorrects, dont la liste est devenue impressionnante. Cela a suscité des engagements, et une vraie prise de risque de se faire blacklistés eux même, de ceux qui déploraient ce nouveau maccarthysme. Un courant, parti des Etats Unis, mais qui existe aussi en Europe, et dont tout un tas de coachs, tenant du personnage de cette Bambi tentent de se faire les apôtres ! "L'échange libre des informations et des idées, qui est le moteur même des sociétés libérales, devient chaque jour plus limité", écrivent des personnalités comme l'essayiste et militante féministe américaine Gloria Steinem, l'écrivain algérien Kamel Daoud ou la créatrice de Harry Potter, J.K. Rowling. Il est certain que Lionel Shriver ne se retrouve pas dans l’insipidité de ces temps présents d’intolérance, où le « Si tu n’es pas avec nous, alors tu es contre nous ! » devient la règle diffuse. Elle est formatée elle aussi par sa jeunesse des seventies. Une époque où la remise en question, la transgression, l’interpellation étaient la règle de débats passionnés. « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! » Hurlait on, sans se soucier de la vitesse du coureur, et de son rythme cardiaque… .La passion de la rhétorique, est totalement étrangère aux ordres de garde à vous idéologique de cette nouvelle culture américaine faite de repentance post colonialiste, et qui propose aux adhérents un modèle d’identification au monde, porté par l’esprit de corps d’élus, imposant leur doxa aux autres. J’ai vraiment très apprécié la première partie du roman. L’évocation du passé de ce couple en crise, jadis soudé. La séquence d’anthologie évoquant les raisons du licenciement de Remington . Une jeune femme « Americano Africaine », a été préféré au poste de direction, pour une raison de représentation ethnique. Le conflit qui va opposer Remington à ce qui est devenue sa supérieure hiérarchique est un morceau d’anthologie. La loi du comique est de mettre en conflit des gens que tout oppose. Il est aussi d’associer le lecteur à l’intrigue, devinant plus ou moins comment la situation va dégénérer, pour aboutir plus à la farce, qu’au drame. On peut faire confiance à cette écrivaine pour mettre du mordant dans ses dialogues. A ce niveau c’est sans doute Serenata qui se montre la plus guerrière. Elle a beau avoir les genoux en vrac, ces balles de tennis liftés sont inaccessibles aux autres. Elle a tout de Serena Williams quand elle monte au filet, pour ridiculiser cette Bambi pète sec, qu’elle ne porte pas dans son cœur. A force, on se dit que c’est trop bien écrit, et que parvenir à sortir de telles formules chocs, quand on est attaqué, tient de l’intelligence artificielle, écrivant les dialogues de Fifi Brindacier. Mais on ne peut pas être bon partout ! Ce très bon roman a tout de même une ceinture abdominale un peu trop fourni. Il aurait du être mis au régime, pour éviter la montée du cholestérol. Il y a un effet trop appuyé des situations répétitives, qui frise la redondance. Il y a certaines pages, dans la deuxième partie du récit qui font penser au film Américain « Un jour sans fin », où l’on a l’impression de vivre sans cesse la même situation, et de faire du sur place. Les maisons d’édition Américaines exigent t’elles de leurs auteurs une sorte de happy end ? J’ai déjà observé cet étrange volonté de rassembler tout le monde pour une sorte de photo souvenir réalisée quelques années après la fin de l’histoire, où l’auteur fait le point sur ce que sont devenus les protagonistes du roman. Ce roman succombe lui aussi à cette règle, et c’est bien dommage. Doit on être heureux et applaudir de savoir qu’ils s’en sortent tous « merveilleusement bien», comme on le fait pour rassurer des enfants à la fin d’un conte ? Tous ?...Non….Comme à la fin de Blanche Neige, où la marâtre est punie en étant forcée de danser avec des brodequins d’acier rougies dans la flamme, la méchante Bambi ne s’en sort pas au mieux.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Étranger
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- EAN
- 9782714494375
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- Collection ou Série
- Littérature étrangère
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 384
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- Dimensions
- 227 x 142 mm
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22,00 € Grand format 384 pages