Veiller sur elle : Le livre de Jean-Baptiste Andrea, Léo Dussollier, Lila Tamazit

Quelle découverte ! Rien que le titre m’emporte ! C’est d’ailleurs en partie grâce à lui que j’ai eu envie au départ de choisir cette lecture, tant de douceur en si peu de mots ! Je peux être parfois frileuse sur les prix littéraires, en général, ils me laissent froide, mais pour ce roman, lauréat du prix Goncourt, je ressors enchantée, émerveillée, charmée de ma lecture. Mimo est un tailleur de pierre issu d’une famille pauvre. Viola, fantasque, idéaliste et trop brillante pour son époque, est la fille d’un riche notable. Tout les sépare mais ils ne vont cesser, contre vents et marées, de s’aimer, de se déchirer et de se retrouver. Mimo va travailler d’arrache-pied pour devenir un sculpteur de génie, son ascension sociale sera éblouissante pendant que Viola, enfermée dans sa prison dorée s’étiolera peu à peu. Au travers de ces destins croisés, on suit également l’histoire d’une mystérieuse statue, une pieta, enfermée dans les entrailles d’un monastère isolé au cœur des Alpes. Sublime et énigmatique, elle semble cristalliser des intérêts aux plus hauts sommets du pouvoir. Jean Baptiste Andréa a une plume époustouflante, j’ai ressenti de l’émotion dans les descriptions des œuvres d’art, de la campagne italienne, tout m’a semblé si lumineux dans ce livre que j’ai eu beaucoup de peine lorsque j’en ai tourné la dernière page. Cette lecture m’a touchée et émue, les cinq étoiles sont amplement méritées.

Beaucoup de critiques écrites sur ce livre je m'en abstiendrai. Je vais essayer de donner mon ressenti. Il y a tout d'abord cette très belle couverture avec des couleurs apaisantes, puis le titre qui est en relief ainsi que le logo de l'éditeur. Je me suis surpris à caresser cette couverture et ses reliefs pendant ma lecture emporté par cette histoire touchante entre un homme et une femme d'un milieu complètement différent qui n'auraient jamais dû se rencontrer. C'est leur histoire qui m'a envoûté, tout le reste bien que bien raconté a été pour moi de la décoration. Mais quelle décoration. Je vois une autre facette de l'amitié, celle qui dure et que tout renverse, celle qui l'instant d'un moment fait croire que la vie est facile. L'amitié indéfectible qui donne des ailes pour passer les moments douloureux grâce à cette belle connexion permanente. Tout simplement époustouflant. En deux mots. Amitié sincère.

"Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silence". Des silences, Mimo et Viola en ont connu. Parfois de très longs. Ils n’auraient même jamais dû se rencontrer… Par une journée d’automne de 1986, Michelangelo Vitaliani, sculpteur de genie, s’éteint doucement, à l’abri du monde dans une abbaye piémontaise. Il n’a pas prononcé de vœux, et pourtant, il vit ici depuis quarante ans, auprès de sa dernière œuvre. Il veille sur elle, dit-on. Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, se meurt, mais il lui reste encore son histoire à nous raconter… A la mort de son père et alors âgé de douze ans, sa mère l’envoie chez un oncle, sculpteur sans talent, à Pietra d’Alba en Italie. Mimo est petit, pauvre et seul. Mais il a entre ses mains un talent qui ne demande qu’à éclore… Viola Orsini elle, est née riche. Issue de la famille la plus influente de Ligurie, elle ne peut cependant pas se résoudre à rester à la place qu’on lui attribue... Elle est ambitieuse. Trop, pour son sexe et son époque. Ils n’ont absolument rien en commun. Et pourtant, ils sont amis, âmes sœurs. Jamais vraiment ensemble, mais jamais vraiment séparés non plus, ils vont traverser les soubresauts de l’Italie... Ô merveille ! Alors que je tourne la dernière page, je sais que je tiens entre mes mains quelque chose de précieux. Jean-Baptiste Andrea vient de m’offrir un vrai roman. De ceux qui se font rares… Un texte aux doux accents de conte, empreint de poésie et de tendresse, parsemé d’humour et d’amour, et habité par des personnages inoubliables. Porté par un souffle romanesque incroyable, ce roman est d’une beauté renversante. Tellement renversante que je ne trouve pas les mots. Le talent de Jean-Baptiste Andrea est à son apogée. Sa plume, exceptionnelle. Si l’élégance était un roman, il serait celui-ci. Si vous ne deviez en lire qu’un, lisez celui-ci. Lisez ce chef-d’œuvre.

En 1986, un vieil homme se meurt dans un couvent du Piémont, il n’a jamais prononcé ses voeux mais y vit depuis quarante ans, pour veiller sur sa Pieta à la réputation sulfureuse. Il est né en 1904 en France d’immigrés italiens et souffre de nanisme. Son père meurt à la guerre en 1916 et sa mère l’envoie comme apprenti chez son oncle Alberto, un sculpteur médiocre. L’année suivante tous les deux débarquent à Pietra d’Alba où Alberto exploitent sans vergogne ses deux apprentis. Alors qu’ils sont appelés par le puissant marquis Orsini pour réparer le toit de leur villa, Mimo rencontre Viola, la fille de la maison qui a son âge. Ils se lient immédiatement et deviennent des jumeaux cosmiques selon le terme de Viola, une jeune fille intelligente qui refuse le rôle que lui réserve la société patriarcale dans laquelle elle évolue. Elle partage les livres et ils se voient en secret. Mimo a beaucoup plus de talent que son oncle, alcoolique et violent. Mimo profite d’une absence d’Alberto pour s’emparer d’un bloc de marbre et y sculpter un ours pour Viola. C’est ainsi qu’il deviendra un sculpteur remarqué et soutenu par la puissante famille Orsini. Sa relation avec Viola durera toute sa vie, mais c’est un amour platonique, la jeune fille doit finir par se plier aux conventions de son milieu. Nous suivons ces deux personnages principaux des années 1920 au tremblement de terre de 1946, l’un des frères de Viola est un dignitaire fasciste et l’autre un prêtre ambitieux, proche du pape. Mimo fera une grande carrière artistique en ménageant la chèvre et le chou par rapport à ses convictions. Il deviendra riche et célèbre après des années de galère. Ce roman foisonnant et complexe est difficile à résumer au vu de sa richesse. La plume est poétique, ce qui est très bien rendu par la version audio, lue par Léo Dusselier et Lilla Tamazil. ils sont su m’emporter dans les paysages du Piémont durant ces années noires de l’histoire italienne. Le contexte historique est très documenté, on sent que ce n’est pas juste un décor, mais que l’auteur maîtrise son sujet. L’auteur nous parle également de Fra Angelico et Michel Ange, dont Mimo porte aussi le prénom. Sa pieta est son oeuvre majeure, elle est « maudite » et doit demeurer cachée. Le secret de cette malédiction est plutôt amusant et je me suis dit que certains hommes sont bien vite troublés. Les deux personnages principaux sont très attachants. Viola a su me toucher, c’est une femme en avance sur son temps, qui fuit les conventions dans sa jeunesse, avant de se faire rattraper par les normes, mais elle saura rester différente de la parfaite épouse attendue. Un magnifique roman qui mérite largement les nombreux prix reçus. #Veillersurelle #NetGalleyFrance !