Interview
Du livre à la série Netflix, "Plan de carrière" d'Helen Wan
Publié le 25/01/2023 , par LArchipel

« Ce roman décrit avec brio et humour le sexisme et le racisme ordinaires, tels qu’ils règnent encore au sein de certains cabinets d’avocats de Manhattan. » Booklist
5 questions à Helen Wan, autrice de Plan de Carrière, par Alicia W. Stewart pour CNN
Alors qu’Helen Wan était encore en école de droit, elle a remarqué que le même schéma se répétait dans les livres destinés aux femmes américaines d’origine asiatique.
« C’est toujours la même formule », écrit-elle pour le Washington Post en 1998. « Les héroïnes d’origine asiatique subissent un choc des cultures : des parents asiatiques intransigeants qui ne les laissent pas intégrer l’équipe de pom-pom girls, une grande famille pittoresque, etc. Ajoutez-y une romance interraciale, un titre avec « lune », « jade » ou « dragon », et hop ! le nouveau best-seller de l’année. Franchement. Je pourrais écrire un roman « ethnique » les yeux fermés. »
Que le premier roman de Wan, publié il y a 15 ans, reprenne ces mêmes principes semble donc logique. Mais elle voulait écrire une histoire différente.
« Je ne voulais pas proposer un livre sur un voyage en Chine ; à dire vrai, c’était tout à fait l’inverse », dit-elle. « C’était quelque chose de nouveau. »
Son roman, Plan de Carrière, analyse les expressions subtiles du racisme, du sexisme et du classisme dans l’environnement du travail.
L’héroïne, Ingrid Yung, est une avocate sino-américaine qui a travaillé dur pour se faire une place dans le monde professionnel, et met à mal les préjugés et le mépris pour enfin être envisagée comme future partenaire de l’un des meilleurs cabinets d’avocats des Etats-Unis. Alors qu’elle s’apprête à briser le plafond de verre, un évènement inattendu va bouleverser son plan de carrière.
Wan raconte que l’idée de ce roman lui est venu lorsque des collègues racisé.es lui ont raconté leurs expériences. En remarquant les similarités entre les histoires, elle a d’abord voulu écrire un essai à ce sujet. Mais après 12 ans, trois réécritures et 2 agents littéraires, l’histoire a évolué en roman.
Dans cette interview, Wan partage ce qu’elle apprit en écrivant le livre qu’elle aurait voulu lire, avec une véritable vision et un apprentissage des normes informelles de la culture professionnelle.
Quel métier vouliez-vous faire quand vous étiez petite ?
Je voulais être écrivaine. Je voulais être autrice. Mais comme beaucoup de gens prudents qui veulent travailler avec la langue, je suis allée en école de droit à la place.
Comment décririez-vous le moment de bascule de l’écriture de Plan de Carrière ?
Sans doute le moment où j’ai vraiment commencé à croire que « Eh, peut-être que je pourrais vraiment réussir à publier », quand j’ai reçu la première offre d’une agence littéraire assez connue. C’était très excitant et encouragent pour moi.
Finalement, je me suis séparée de cette agence-là.
Je suis vraiment contente d’avoir eu cette expérience, parce que jusqu’à ce que je reçoive cette première offre, je pense que je ne m’autorisais pas à croire que j’avais vraiment écrit un livre, ou même qu’il serait un jour publié.
Il aura fallu qu’un expert du monde de l’édition me dise qu’il allait prendre le projet pour que je commence à y croire.
Quels étaient les défis de l’écriture de ce roman ?
Le genre de ce livre a été particulièrement difficile à définir. Était-ce commercial, ou plutôt littéraire ? Était-ce un roman américain asiatique ? Était-ce même vraiment un roman ethnique ? Sans voyage en Chine, sans mariage arrangé, etc, alors quel genre d’histoire était-ce ?
Honnêtement, c’est une histoire atypique, pas vrai ? Aller déjeuner avec un éditeur et dire « Okay, c’est un page turner qui traite de la race dans le monde du travail ! » est un processus assez inhabituel.
En fait, si j’ai écrit ce genre de livre, c’est en partie parce que dans toutes les classes d’écriture où j’allais, on me disait « Vous devriez écrire le livre qui manque sur les présentoirs des librairies ». Et c’est exactement ce dans quoi je me suis lancée.
Je ne voyais aucun livre décrivant des histoires crédibles et contemporaines d’Américains d’origine asiatique qui cherchaient à gravir les échelons professionnels. Personne n’en avait dressé un portrait réaliste.
Je ne voyais pas non plus d’analyse des blocages subtils liés au genre, à la race, au genre, à la classe sociale et à la politique.
Le thème de l’intersectionnalité de l’identité revient souvent dans le roman : à travers l’héroïne, Ingrid, fille d’immigrés chinois et en route pour briser le plafond de verre, mais aussi par un acte raciste à un événement professionnel, élément majeur de l’intrigue ?
J’étais frustrée par le nombre de romans qui mettent en scène des héroïnes américaines d’origine asiatique, et comprennent toujours soit un voyage spirituel en Asie, soit une histoire centrée sur la famille.
Bien sûr, l’histoire d’un personnage est centrale dans un roman, mais je ne trouvais aucune fiction contemporaine sur des personnages américains d’origine asiatique qui proposait autre chose.
J’ai donc essayé – j’ignore si j’ai réussi – de mentionner seulement ce qui était nécessaire pour comprendre d’où les parents d’Ingrid avaient immigré, et quel était le contexte social et sociétal duquel elle venait.
Mais juste ce qu’il fallait, pour laisser son expérience dans le monde professionnelle parler d’elle-même.
Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent du livre ?
Je considèrerais le livre utile s’il aide des jeunes, surtout des Américain.es d’origine asiatique, à naviguer dans le monde du travail en s’appropriant ses normes, tout en restant fidèle à eux-mêmes.