Interview
La "Bibliothèque des Illustres" présentée par Charles-Éloi Vial
Publié le 09/11/2021 , par Perrin

La « Bibliothèque des Illustres » est une collection de biographies illustrées des éditions Perrin, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France (BnF), qui a été lancée en novembre 2020. Son directeur, Charles-Éloi Vial, a accepté de dévoiler les coulisses de cette collection déjà emblématique...
Comment est née la collection la « Bibliothèque des Illustres », de sa conception à sa réalisation en collaboration avec la BnF ? Qu’est-ce qui rend cette collection singulière ?
Le concept de cette collection est né de la rencontre des deux univers dans lesquels j’évolue au quotidien, celui des historiens, et notamment ceux publiant aux éditions Perrin, où j’ai moi-même écrit presque tous mes livres, et la Bibliothèque nationale de France où je travaille comme conservateur au département des Manuscrits.
Le travail du conservateur est de veiller à la bonne conservation du patrimoine national, de l’enrichir, de le faire connaître au plus grand nombre et de l’étudier. Pour sa part, l’historien cherche sans arrêt à découvrir de nouvelles archives afin de renouveler les sujets qu’il étudie. En prenant connaissance de la quantité extraordinaire de manuscrits inédits ou méconnus conservés à la BnF, l’idée s’est tout naturellement imposée de regrouper des auteurs capables d’imaginer de nouvelles approches et de travailler au plus près des documents, pour proposer des biographies illustrées d’un nouveau genre.
Les éditions de la BnF ont bien voulu s’associer au projet et nouer un partenariat avec Perrin afin de créer la « Bibliothèque des Illustres ». Les deux principales ambitions de cette collection sont de renouveler l’art biographique en profondeur, mais aussi de refléter le renouveau de la recherche, l’écriture de l’histoire et la recherche ayant connu de profondes évolutions au cours de ces vingt dernières années, principalement grâce aux outils numériques développés par les éditeurs et par les grandes bibliothèques.
D’où proviennent les documents illustrés de la collection et comment sont-ils choisis ?
La Bibliothèque nationale de France, plus important établissement culturel d’Europe, conserve environ 40 millions de documents sur tout type de support, papyrus, parchemin ou papier, et on peut la considérer comme un grand livre de l’histoire de France. La grande majorité des documents reproduits dans les ouvrages de la collection proviennent des départements dits « spécialisés » de la BnF : les départements des Manuscrits, des Estampes, des Cartes et Plans, des Médailles, des Livres rares, de la Musique, sans oublier la bibliothèque de l’Arsenal et la bibliothèque-musée de l’Opéra. Quelques autres, notamment les imprimés comme les livres ou les journaux, proviennent des départements Philosophie, histoire, sciences de l’homme, Littérature et Art et Droit et Politique.
Le grand public ne soupçonne pas la variété des documents conservés par la Bibliothèque, qui est très loin de se limiter aux livres : on y trouve des archives et des manuscrits, des médailles, des bijoux, des objets d’art, des gravures, des dessins, des tableaux, des costumes et des maquettes.
Nous mettons donc l’accent sur les chefs-d’œuvre de notre patrimoine, même si, bien entendu, comme aucun historien ne peut s’enfermer dans un fonds ou dans un type de source, nous offrons la possibilité à nos auteurs de choisir quelques œuvres en rapport avec nos collections, que ce soit dans d’autres bibliothèques ou services d’archives, et bien entendu dans des musées.
Trois ouvrages composent la collection à ce jour – Mazarin d’Olivier Poncet, Marie-Antoinette d’Hélène Delalex et votre Napoléon. Ce sont des figures de l’histoire bien connues qui bénéficient déjà de nombreuses biographies et synthèses historiques. En quoi le contenu des ouvrages de la « Bibliothèque des Illustres » se différencie-t-il de la production déjà existante ?
La « feuille de route » donnée aux auteurs qui écrivent pour la « Bibliothèque des Illustres » est très claire : il faut écrire des biographies synthétiques, reprenant les dernières avancées de la recherche et permettant de faire entrer le lecteur dans l’atelier de l’historien en lui donnant à voir les sources originales. Les documents manuscrits ne sont pas simplement signalés en note à la fin du volume, les documents iconographiques ne sont plus limités au traditionnel « cahier » au centre de l’ouvrage.
En bref, les sources ne servent plus seulement à illustrer le propos, mais elles en forment la trame, sont étroitement mêlées au texte, sont commentées en détail et donnent à voir à la fois l’endroit et l’envers de l’Histoire : la vie d’un personnage illustre, et les sources qui permettent d’en renouveler l’approche. Chaque auteur doit être capable de jouer ce rôle de passeur et de faire découvrir au lecteur le plaisir de l’historien de déchiffrer les écritures anciennes, d’identifier des gravures ou de retrouver, par quelques annotations au crayon jetées le long d’une marge, la pensée secrète d’un grand disparu.
En tant que directeur de la collection, comment accompagnez-vous les auteurs dans la création de leur livre ?
Mon travail consiste avant tout à faciliter les recherches des auteurs, en les accueillant au département des Manuscrits, en leur faisant découvrir, s’ils ne les connaissent pas encore, les outils numériques développés par la BnF, notamment les catalogues en ligne et la bibliothèque numérique Gallica, en leur faisant rencontrer d’autres professionnels des bibliothèques spécialisés dans certains types de collection, en les aidant à identifier des documents majeurs et à constituer leur corpus iconographique. À cela s’ajoute le travail classique de relecture des manuscrits et de correction, en lien avec les éditions Perrin et les éditions de la BnF.
Comment voyez-vous l’avenir de la « Bibliothèque des Illustres » ?
Depuis des siècles, de très nombreuses figures de l’histoire de France, hommes et femmes, figures de la politique, de la diplomatie, des arts et de la littérature, ont légué leurs archives à la BnF. D’autres ont fait leur entrée dans les collections par des achats ou des dations. Les collections de manuscrits et d’estampes comptent parmi les plus riches au monde, et il est toujours très stimulant de se plonger dans les ressources des différents départements pour identifier des sources susceptibles de fournir le sujet d’une biographie.
Depuis une vingtaine d’années, la numérisation massive des collections, les campagnes de restauration et de catalogage ont permis de faire sortir de l’ombre de nombreuses collections prestigieuses, notamment parmi les manuscrits médiévaux ou ceux de la Renaissance, dont beaucoup ont appartenu à des « illustres », ou dans les fonds d’archives plus contemporains.
En outre, comme les œuvres de nombreux auteurs tombent chaque année dans le domaine public, on peut espérer offrir bientôt au grand public des biographies illustrées de figures de la fin du xixe et même du xxe siècle, mais aussi mettre en avant d’autres périodes et d’autres sources, à commencer par la photographie et le cinéma.
Quelles figures historiques pourraient prochainement rejoindre la collection ?
De nombreux historiens – jeunes ou expérimentés – ont été enthousiasmés par le projet, car ils partagent le même amour des sources et la même volonté de le transmettre aux lecteurs. Parmi les grandes figures sur lesquelles les auteurs travaillent en ce moment, en lien avec des collègues conservateurs de la BnF, il y a notamment Robespierre et Napoléon III, deux figures majeures, mais qui vont surtout permettre de faire sortir de l’ombre des archives inédites ainsi qu’une iconographie vraiment extraordinaire.