Interview
"Le twist final devrait en surprendre plus d'un" Franck Thilliez
Publié le 21/04/2022 , par Fleuve éditions

Après le succès de 1991, Franck Thilliez revient avec Labyrinthes, un roman très fort, mais aussi très ambitieux. À l’occasion de cette publication chez Fleuve Éditions, l’auteur répond à nos questions.
1/Vous fêtez vos vingt ans d’écriture avec un thriller dont l’intrigue est particulièrement tortueuse. Diriez-vous que Labyrinthes fait partie de vos écrits les plus complexes ?
Oui, je peux le dire. La complexité n’est pas forcément visible à la lecture (et je dirais tant mieux, car la lecture doit être fluide !), mais la manière dont j’ai construit ce roman m’a vraiment donné du fil à retordre. Il y a, entre autres, plusieurs intrigues parallèles qui n’ont a priori aucun lien, et qui sont pourtant fortement dépendantes. Il fallait donc que chacune d’elles soit intéressante afin que le lecteur ne décroche pas. Et puis que tous les éléments soient imbriqués comme dans une montre de précision : les engrenages doivent s’assembler au millimètre et, surtout, donner l’heure exacte à la fin ! De surcroît, il fallait que j’écrive une histoire qui se suffise à elle-même, mais qui soit en même temps liée à des romans précédents, c’était un vrai challenge. Sans oublier le twist final, qui devrait en surprendre plus d’un…
2/Ce nouveau cru est un one shot qui peut se lire de manière indépendante. Mais, vous venez de le souligner, il a cependant la particularité d’être lié à vos romans Le Manuscrit inachevé et Il était deux fois. Aviez-vous dès le début prévu d’écrire un triptyque ?
Non, il m’était impossible, à l’époque où je terminais Le Manuscrit inachevé, de me dire que Labyrinthes existerait un jour sous cette forme. Par contre, j’ai laissé, dans Le Manuscrit et Il était deux fois, volontairement des portes ouvertes, en me disant que je pourrais peut-être les exploiter plus tard, tout en ignorant encore comment. Et j’ai eu raison, car le fait de ne pas avoir apporté 100 % des réponses dans les précédents romans m’a permis de développer cette histoire de façon à ce qu’elle referme sans ambiguïté, cette fois, le triptyque.
3/Dans ce roman, vous mettez en scène cinq femmes liées par un terrible secret. Était-ce une volonté de votre part de vous plonger dans un univers plus féminin que d’habitude ou est-ce l’écriture qui vous a porté là un peu par hasard ?
J’ai toujours aimé les héroïnes, et ça a commencé au début de mon écriture lorsque j’ai créé Lucie Henebelle, mon personnage de flic récurrent. Il est intéressant, je trouve, de voir comment des femmes en difficulté (c’est souvent le cas dans les thrillers) peuvent s’en sortir mieux que les hommes dans certaines situations. Pour Labyrinthes, le choix s’est imposé à moi : le fait de mettre en scène ces cinq femmes est l’une des clés de cette intrigue, mais chut…
4/Vous abordez régulièrement certains thèmes dans vos livres, comme l’amnésie, l’art ou encore le jeu, mais vous nous faites également toujours le plaisir de nous emmener sur des terrains inattendus. Cette fois, vous le faites par le biais de Véra, un de vos personnages, qui se trouve être une hyper-électrosensibles. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?
Véra est psychiatre et ne supporte en effet plus les ondes, à un point tel qu’elle est obligée de se réfugier au fin fond d’une forêt des Vosges, où il n’existe plus aucun moyen de communication moderne. Du jour au lendemain, elle passe d’une situation confortable à celle d’une survivante enfermée dans un petit chalet, par un hiver avec des températures à -15 °C. J’ai trouvé intéressant de parler de cet isolement forcé, avec pour unique compagnie un passé que l’on veut occulter, laisser derrière soi. Seulement, même cachée au plus profond d’une nature hostile, le passé de Véra va finir par la rattraper…
5/Vos polars ont tous au moins un point commun : ils fascinent et font peur. Avec le temps, diriez-vous que les peurs que vous avez envie de transmettre aux lecteurs ont évolué ?
Je joue beaucoup plus avec l’imaginaire aujourd’hui qu’il y a quelques années. Les mécanismes de peur sont bien plus puissants lorsque chacun est libre de projeter ses propres monstres derrière des scènes angoissantes. Dans mes premiers romans, je voulais faire peur en étant très descriptif, et ça fonctionnait, mais c’était davantage de la terreur que de la peur. La peur, dans une fiction, qu’elle soit film ou roman, est bienfaitrice. Paradoxalement, elle nous permet de relâcher la pression du monde dans lequel on vit et, à travers le tour de manège à sensations que propose l’auteur, de vivre un moment plein d’adrénaline. Ce qui explique en partie le succès du genre !