Alice au pays des merveilles : Le livre de Lewis Carroll, Rose Poupelain

Peut-on considérer que « Alice au pays des Merveilles » est un conte pour enfant ? Dans une certaine mesure oui, puisque l’intention de l’auteur était telle lors de son élaboration. Mais un enfant, s’il trouvera son compte dans la lecture de l’ouvrage, risque d’en rater bien des aspects et subtilités. Aussi est-il nécessaire de lire ou relire Alice lorsque l’on est adulte. Tout le monde connait, au-delà du succès, l’immense importance littéraire d’Alice et l’influence du roman sur Alfred Jarry et les surréalistes, pour ne citer qu’eux. De ce point de vue, Carroll fut un passeur, comme le fut Cézanne en peinture, Rodin en sculpture, ou Beckett pour le théâtre. Mais Carroll et « Alice au pays des Merveilles » ne sont pas que cela. Au-delà du « non sens » et des « mots-valises », qui ne sont que des attributs nécessaires du livre, mais n’en constituent pas l’essence, il y a en premier l’extraordinaire originalité de l’univers qui nous est présenté. Originalité bien difficile à percevoir aujourd’hui tant l’ouvrage est connu et les adaptations nombreuses. Puis, et peut-être surtout, il y a la profonde ambiguïté de l’œuvre qui nous révèle un personnage à dimensions variables, au propre comme au figuré. Alice est une rebelle qui, finalement, peut tout se permettre puisqu’elle évolue dans un monde onirique. Ce qui est paradoxal si l’on se réfère à l’auteur qui, lui, se définissait comme conservateur. Donc « Alice au pays des Merveilles » est tout sauf un simple conte. Si l’on est attentif, il nous incite à réfléchir sur la complexité des sentiments humains et la difficulté à les exprimer. Un régal de lecture et de relecture dont il ne faut pas se priver, « Alice au pays des Merveilles » reste encore aujourd’hui un OVNI littéraire.