Ces nazis qui ont échappé à la corde : Le livre de Jean-Paul Picaper

«#8201;Quand l’État fait faillite et que la rue prend le pouvoir, la dictature offre ses services pour redresser la situation. Le remède se révèle alors pire que le mal.#8201;» Le despotisme n’a alors besoin que de réveiller le prédateur sans pitié qui sommeille en l’homme. De là, naît celui qu’on a envie d’appeler le monstre ou plus précisément le robot tueur et le IIIe Reich en a fourmillé «#8201;ad nauseum#8201;». L’auteur nous fait entrer d’abord dans l’intimité du Führer avec ceux qui assistèrent à ses derniers moments tels Bormann, son «#8201;secrétaire#8201;», Dietrich Eckart un antisémite qui inspira l’écriture de «#8201;Mein Kampf#8201;», Göring, Himmler, Albert Speer. On assiste au suicide d’Hitler le 30 avril, qui ne voulait pas finir comme Mussolini pendu et exposé au bout d'une corde : «#8201;le 30 avril était la date de l’une des fêtes païennes qu’avait instituées Himmler pour ses SS. C’était la nuit de Walpurgis, au cours de laquelle les sorcières dansent et s’accouple avec le diable#8201;» p84. Le tribunal de Nuremberg jugera moins d’une centaine de dignitaires nazis qui ne purent «#8201;échapper à la corde#8201;» ce qui paraît dérisoire en rapport avec l’immensité des crimes commis (Göring et Himmler y échappèrent malgré tout en croquant respectivement une capsule de cyanure et de potassium.) Aucun responsable ne sera épargné par l’auteur y compris les industriels qui employaient des travailleurs forcés et l’église à travers Pie XII qui brilla par son silence passif. Ainsi l’évêque Alois Hudal qui ne cacha jamais son adhésion au national-socialisme put organiser en toute impunité une filière d’exfiltration vers l’Argentine ou la Syrie qui permit à des centaines et des centaines de criminels nazis d’échapper à la justice et au tribunal de Nuremberg. Staline, lui, nia la mort d’Hitler dont il détenait pourtant la preuve, jouant sur la peur de son retour dans le dessein de manipuler les hommes politiques à Yalta qui lui attribuèrent ainsi les régions d’Europe libérées par l’Armée rouge : États baltes, Moldavie, Carélie et Pologne orientale. Le mur de Berlin fut érigé. Et la RDA n’hésita pas à recycler dans ses rangs des centaines voire des milliers de criminels nazis si bien rompus aux exercices bureaucratiques dont elle avait besoin. Mais les Américains ne furent pas en reste et prirent à leur service un bon nombre de dignitaires et scientifiques nazis, notamment Höttl, etc. Friedrich Schwend fut réquisitionné pour le Contre-espionnage américain puis partit au Pérou. Plus tard, il coopéra avec Klaus Barbie. Quant à Wernher Von Braun, malgré les protestations d’Einstein, il finira à la Nasa et, devenu américain en 1955, il «#8201;testa le 27 octobre 1961 la fusée Saturn C1 […] p 463#8201;». Le sinistre Dr Mengele échappa à la traque en passant par la Bavière puis l’Argentine et vécut tranquille au Brésil jusqu’en 1979 où il mourut à la suite d’un accident. En revanche, Adolf Eichmann fut kidnappé, jugé et exécuté en Israël, grâce à la ténacité au procureur allemand, Fritz Bauer. Le livre nous raconte dans les détails la traque de Klaus Barbie ayant à son actif l’assassinat des enfants d’Izieu, la mort et la torture de Jean Moulin et bien d’autres crimes plus sordides les uns que les autres… La conclusion laisse sans voix. Elle fait écho à sidération qui nous saisit à la lecture de cette funeste énumération si bien documentée (il y a même un index à la fin qui nous permet de retrouver chaque nom). Ce sont pour la plupart des gens ordinaires ayant bénéficié d’une bonne éducation, dont certains étaient cultivés, mélomanes… «#8201;Un grand nombre de dignitaires nazis étaient de bons pères de famille, des amis, époux et amants fidèles#8201;» Le Führer, végétarien, allant même jusqu’à figurer parmi les premiers défenseurs des animaux au moment même où il mettait en place «#8201;la solution finale#8201;». Pour l’auteur «#8201;l’idéologie nazie était une pathologie en même temps qu’une pseudo religion […]#8201;» On a vu ça aussi pour la Russie de Staline quand l’idéologie fonctionnant comme une religion permet de faire l’économie de la pensée. Toutes ces usines à décérébrer savent se travestir et ne sont malheureusement pas à exclure de notre monde contemporain…