Dans la tête de JCR : Le livre de Véronique Sousset
" Il s'est avancé lentement, presque en s'excusant. Il respire aussi en s'excusant, tous ses gestes contiennent son embarras mêlé d'incrédulité d'être ainsi à l'air libre, parmi la foule, celle-là qui, apprenant sa présence, le lyncherait. S'excuser de vivre quand on a ôté la vie. Comment pourrait-il en être autrement ? "
Des années de mensonge. Un quintuple meurtre. La prison à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté. Et, il y a peu, la libération conditionnelle.
Si la prison ne lave pas du crime, la condamnation, les années de détention donnent-elles le droit de pouvoir un jour revenir dans la communauté des hommes ?
L'affaire judiciaire est une des plus retentissantes de la fin du xxe siècle. L'histoire de l'homme reste un mystère et son présent est plus intrigant encore.
Avec sensibilité, Véronique Sousset se glisse dans la tête de JCR, observe avec ses yeux, déroule ses pensées et ses interrogations lancinantes. Au fil de courts chapitres percutants, nous entrons à notre tour dans son quotidien, dans cette vie en liberté qui restera peut-être conditionnelle pour toujours.
De (auteur) : Véronique Sousset
Expérience de lecture
Avis Babelio
jgicquel
• Il y a 3 mois
Si l'on résumait Véronique Sousset à sa qualité d'écrivaine, je dirais qu'elle a l'art d'amener son lecteur là où il ne s'attend pas. Dans “Défense légitime”, son premier livre, elle prend le risque de défend un "monstre" en tant qu'avocate commise d'office. En tant que lecteur, donc un peu guetteur de sensationnel pour ne pas dire voyeur, je m'attendais au récit de la vindicte populaire contre l'accusé et son avocate. Non, et tout au contraire, elle tente de mettre en lumière la part d'humain qui demeure dans tout acte même inhumain, avec des mots puissants : « Vous défendre afin de vous redonner cette part d'humanité que nous partageons. Je vous ai aussi redonné le sens de la dignité. Il est important que vous puissiez dire qui vous êtes ». « Il ne s'agit pas de sauver mais de justement condamner. Ne rien montrer mais toujours démontrer. » Dans “Fragments de prison”, son 2e livre, elle s'exprime en tant que directrice de prison, l'essentiel de son parcours à ce jour. Je subodorais donc une dissertation sur l'univers carcéral. Non, c'est une galerie de portraits sensibles -au sens qu'elle perçoit et fait émerger la personnalité des détenu.e.s à l'aune de sa sensibilité-, portraits nés de sa rencontre et d'échanges avec ces prisonniers.ères. Dans “Dans la tête de JCR”, je m'attendais à une mise en abîme de ce qui a poussé ce personnage à mener une vie fantomatique et mythomane pendant vingt ans et à assassiner de sang-froid cinq membres de sa famille quand il s'est senti démasqué. V. Sousset se risque à l'exercice du décryptage pendant quelques pages mais “Dans la tête de JCR” est surtout une imagination de la façon dont JCR, en fin de peine, perçoit la préparation à la libération, la libération elle-même et surtout la vie après quand le détenu retrouve la vie ordinaire de tout quidam. “Dans la tête de JCR” est pour moi un livre à plusieurs entrées ou angles. D'abord, au regard de l'institution judiciaire, la description que V. Sousset retrace du parcours vers la libération de JCR montre que la sortie de prison ne se résume pas à une levée d'écrou, l'ouverture de la porte de l'établissement. Si la prison est un lieu de détention, elle est aussi le lieu de préparation à la sortie, ce que beaucoup de gens ignorent ou minorent (c'est la mission du SPIP, Service pénitentiaire d'insertion et de probation). Si le bon peuple pense que la Justice libère aisément les détenus, la demande de libération est au contraire un parcours du combattant (au terme de 26 ans de détention, alors que JCR est en droit de solliciter une libération conditionnelle, il s'est passé 3 ans et il a essuyé de nombreux refus de l'institution judiciaire alors que les professionnels consultés donnaient un avis positif). Avec, souvent, la pression des parties civiles : "Comment pouvais-je oser demander quoi que ce fût ? J'étais et je restais un monstre, un menteur, un manipulateur". Quiconque admet et compatit sans une once d'hésitation à la souffrance de ceux qui restent. Mais, puisque nous sommes dans un État de droit, puisque la détention est la punition infligée par la Justice et qu'elle fait foi en République, une fois la peine purgée, il est difficile d'admettre que les parties civiles veuillent prolonger la réclusion du condamné, le murer dans un silence éternel et lui refusent ainsi la voie vers un autre, un nouvel avenir. Deuxième entrée ou angle, à rebours de ce que pensent le commun des humains, l'ex-détenu n'est pas lâché dans la Nature. Il est au contraire assujetti à de multiples contraintes, lié, suivi (déjà par le bracelet électronique), tenu de respecter des astreintes, des pointages, d'honorer ses rendez-vous imposés avec des professionnels en charge du suivi et de la réhabilitation. Il vit en permanence avec la hantise d'être reconnu, pense parfois qu'il l'est, change de nom pour rester incognito (depuis juillet 2022, il est possible de changer de patronyme par simple déclaration à l'état civil et sans justification), évite à tout prix tout incident, une simple contravention, fuit les algarades, sursaute à une main qui se pose sur son épaule. « Je ne ressemble plus aux clichés pris au moment du procès ni à eux publiés par la suite dans la presse, mais les yeux peuvent trahir. le regard ne prend pas de rides. (...) C'est dans mon automobile, au creux de cet habitacle protégé, seul, que je me sens le plus libre. Je conduis chaque fois avec la sensation renouvelée que cet acte banal est une chance. Je prends la route pour un lieu défini ou je roule dans la campagne sans but, sinon celui d'avancer. » Troisième entrée, celle que porte le titre et la plus riche, est la plongée de V. Sousset dans l'univers de JCR, de sa préparation à la liberté à sa vie d'homme libre. Ce qu'elle imagine de son quotidien donne sa deuxième vie à JCR. V. Sousset l'imagine au travail, dans son logement, sa commune d'implantation, en voyage, au café. Elle va jusqu'à concevoir une relation amicale avec une dame plus jeune que lui. Lors d'une discussion dans une brasserie, lesbienne, elle lui confie qu'elle a trompé sa compagne au cours d'un séminaire et qu'elle envisage de lui mentir. Mentir, le mot happe, saisit, effraie JCR, lui dont les 18 ans de vie qui l'ont conduit jusqu'au crime n'ont été que cela : mensonge, 24 heures sur 24. « Ce ne sont pas les faits relatés qui me mettent mal à l'aise mais l'aveu de ce mensonge. Je ne peux me frayer un chemin dans ce territoire, je ne peux plus y pénétrer. » La dame finira par dire qu'elle a avoué son faux pas à sa compagne. Les descriptions nées de l'imagination de V. Sousset sont elles-même saisissantes. Par la richesse des détails, on voit JCR, plus encore, on vit avec JCR, on se sent même parfois JCR soi-même. La précision clinique du récit tient assurément à ce que la directrice de prison a perçu, relevé du détenu dans l'établissement où elle le rencontra en tant que directrice. En ex-journaliste, qui le demeure, je me suis demandé si les détails aussi précis -village d'implantation, habitation, lieux de vagabondage- ne signifiaient pas qu'elle avait connaissance de sa situation, qu'elle était allée sur place, avait rencontré JCR, échangé avec lui. "Non, a-t-elle répondu lors d'une présentation de son livre à Rennes, tout cela est interdit. Comme l'indique la mention "fiction" sous le titre du livre, tout est fruit de mon imagination". JCR se reconnaît-il dans le scanning que fait de lui l'écrivaine de la détention ? Chaque lecteur, chaque connaisseur du parcours -ultra-médiatisé- de JCR peut tenter lui-même de se mettre dans la tête de JCR où l'a déjà peu ou prou fait et pourrait coucher sur le papier ses propres supputations. V. Sousset a un avantage : son expérience, son expertise, son approche des détenus, ce qu'elle a, au fil de son parcours, retiré subtilement de leurs comportements, de leurs pensées, donne à sa radiographie de JCR, et au-delà de lui, à tout détenu libre, une valeur cardinale et un crédit majeur. EXTRAITS « J'espère qu'avec le temps j'aurai un peu plus de musique en tête pour arroser mes souvenirs fanés. J'espère qu'avec le temps je me ferai oublier. Je n'ai jamais été très doué pour être au monde, peut-être n'aurais-je pas dû y naître. J'espère qu'avec le temps le pardon sera sans parole, sans éclat, qu'il se dira d'une simple inclinaison de tête qui ne se détourne pas. J'espère vivre dans le temps, mais cette aspiration est déjà considérée comme un avantage indu pour celles et ceux qui ont de bonnes raisons de considérer que je ne méritais pas ces années additionnelles. Parfois, il me laisse un répit. Je suis alors orpailleur, je passe au tamis les heures et les minutes de cette vie en liberté et j'en garde quelques brefs instants, les plus intenses. »
EyM
• Il y a 3 mois
"Dans la tête de JCR" s'inspire de l'affaire Romand, du nom de ce faux-médecin de l'OMS qui, une fois son mensonge découvert, tuera les cinq membres de sa famille. Véronique Sousset imagine le parcours et surtout les réflexions de JCR à la suite de sa libération conditionnelle. Les courts chapitres du livre sont autant de méditations sur l’équilibre nécessairement précaire d’une vie après la prison. JCR évolue dans un quotidien étriqué et solitaire, traversé de remords, dans lequel il tente de vivre en se faisant le plus petit et discret possible. Véronique Sousset s’attache à certains détails du quotidien, anodins pour la plupart, mais soulignant le décalage de JCR par rapport au reste de la société : avoir une boîte-aux-lettres, avec son nom visible de tous depuis l’espace public, aller à la boulangerie en craignant d’être reconnu, et masquer son hésitation au cours d’une interaction sociale devenue inhabituelle, etc. Avec JCR, elle soulève par ailleurs de nombreuses questions taboues : est-ce qu'avoir purgé sa peine donne le droit à l'auteur d'un crime aussi atroce de retrouver une place dans la société, quand bien même sa simple existence en dehors des murs d'une prison est perçue comme une insulte par les parties civiles, et la plupart de gens ? Et surtout, peut-il prétendre vouloir être dorénavant quelqu'un de bon ? Quelle place pour les relations sociales, voire pour les amitiés ? Faut-il masquer son crime ou faire le choix de la vérité ? Quel sens de l’identité peut-on avoir lorsqu’on a commis un acte que l’on n’arrive pas à s’expliquer soi-même ? Dans la tête de JCR est, vous l’aurez compris, un roman dont les réflexions ne laissent pas indifférents, et se poursuivent bien après la lecture. C’est aussi un livre très bien écrit, au style aussi épuré que maîtrisé. L’ambiance est celle d’un ciel d’automne, parfois ponctués de brefs moments lumineux, apportés par de la musique classique ou les archives que JCR aimait restaurer en prison. Toutefois, le ciel reste toujours bas, et contraint le personnage principal à avancer le corps voûté, se recroquevillant dans la pénombre pour se faire oublier.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Actualités et Société , Biographie Témoignage Mémoire
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- EAN
- 9782749178394
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- Collection ou Série
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 216
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- Dimensions
- 210 x 142 mm
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