Delacroix Journal 1822-1863 : Le livre de Eugène Delacroix

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Eugène Delacroix, grand génie de la peinture française et universelle, révèle ses talents extraordinaires d'écrivain à travers ce Journal, ces nombreuses notes et correspondances, réédités aujourd'hui avec une fidélité absolue aux textes originels.

Quelque temps après la mort de Delacroix, sa domestique Julie apportait chez le peintre Constant Dutilleux, rue de Rennes, un paquet volumineux expédié par la gouvernante du maître, Jenny Le Guillou.
" Quelle surprise de découvrir cahiers et agendas tout remplis de l'écriture de son illustre ami. D'autant que le bruit s'était répandu au moment des funérailles, que Delacroix avait ordonné à sa gouvernante de les brûler devant lui, alors qu'il était déjà alité. "

Publié pour la première fois par la Librairie Plon en 1893, le Journal comprend deux parties distinctes, 1822 à 1824 et 1847 à 1863, séparées par un intervalle de vingt-trois ans. Dans la présente édition, cet aspect caractéristique a été respecté. De même, il a été réservé pour un supplément tous les fragments appartenant à des époques différentes de la vie d'Eugène Delacroix, qu'il est bien souvent difficile de pouvoir dater avec précision. Une seule exception a été admise pour les carnets du Voyage au Maroc, qui constituent une sorte de journal de route.

Ce Journal est un monument unique. Les artistes, chez nous, sont d'ordinaire exclusivement artistes, c'est-à-dire artisans, et quand ils se mêlent d'écrire, un Fromentin par exemple fait figure d'un écrivain doublé d'un peintre amateur. Il en va tout autrement de Delacroix, grand artiste, grand écrivain, ou mieux, grand homme dont le génie éclate dans toutes ses manifestations, qu'il peigne ou qu'il écrive comme chez les grands Italiens de la Renaissance. Il s'est d'ailleurs toujours élevé contre ce qu'il appelait la " limitation des genres ". Toutes sa vie, il a adoré écrire, pour lui d'abord, pour les autres ensuite, comme le montre son abondante correspondance qui, le jour où elle sera réunie, constituera le pendant et le complément du Journal.

De (auteur) : Eugène Delacroix
Préface de : Hubert Damisch

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Expérience de lecture

Avis Babelio

berni_29

4.50 sur 5 étoiles

• Il y a 2 mois

Je suis entré avec jubilation dans le journal d'Eugène Delacroix, je suis entré dans ces pages comme on glisse dans la lumière zénithale de l'atelier d'un peintre ; le journal de Delacroix, c'est la prose enchanteresse d'un peintre flamboyant qui maniait la plume aussi bien que le pinceau. C'est à à la disparition de sa mère en 1822 qu'il a commencé à rédiger ce journal, qu'il tint jusqu'à sa mort en 1863, avec cependant une interruption d'une vingtaine d'années, précisément entre 1824 et 1847. Ici Delacroix nous parle forcément de l'art, mais aussi de l'existence, de l'humanité, de morphologies ingrates, de sexes faibles et de mélancolie... La mélancolie, c'est l'acte fondateur de ces notes, la perte maternelle à jamais inassouvie... Dès le premier jour, le ton est donné : « Louroux, mardi 3 septembre 1822. - Je mets à exécution le projet formé tant de fois d'écrire un journal. Ce que je désire le plus vivement, c'est de ne pas perdre de vue que je l'écris pour moi seul. Je serai donc vrai, je l'espère ; j'en deviendrai meilleur. Ce papier me reprochera mes variations. Je le commence dans d'heureuses dispositions. » On va alors découvrir dans ces pages un souci constant d'amélioration de soi, voire de transcendance ; quand il débute ce journal, il s'est déjà fait un nom avec le tableau Dante et Virgile aux Enfers, il sait déjà intimement qu'il passera à la postérité, mais non content de le pressentir il veut laisser une trace écrite de cette conviction et c'est par son journal qu'il le fait. Il y a ce statut du peintre qui est en train d'arriver et qui pousse à cette opération de vertu par l'écriture qui s'affiche dès les premières pages du journal. Il opère presque une démarche philosophique lorsqu'il se révolte contre les défauts de l'âme. Il se livre à chaque instant à un combat contre ses défauts, ses imperfections. Dès le 4 janvier 1824, d'ailleurs, Delacroix s'auto-admonestait ainsi : « Malheureux ! Que peut-on faire de grand au milieu de ces accointances éternelles avec tout ce qui est vulgaire ? Penser au grand Michel-Ange. Nourris-toi de grandes et sévères beautés qui nourrissent l'âme. » Il n'est sans doute de meilleure manière que de convoquer un peintre pour nous parler du beau. Pour cela, Delacroix n'hésite pas à son tour à évoquer Molière ou encore Mozart, c'est-à-dire le théâtre ou la musique, deux autres arts qui étaient chers à son coeur. Mais cette écriture est l'occasion d'entrer au plus près de la palette et des pinceaux de l'artiste et de voir sa manière de concevoir sa peinture. « 7 avril 1824 - La première et la plus importante chose en peinture, ce sont les contours ; le reste serait-il extrêmement négligé que, s'ils y sont, la peinture est ferme et terminée. J'ai plus qu'un autre besoin de m'observer à ce sujet : y songer continuellement et commencer toujours par là. » Pour lui, le trait qui tient le dessin est la partie masculine du tableau, tandis que les couleurs en forment la partie féminine. C'est sans doute un discours de classique, commun à l'imaginaire du XIXème siècle. Obsédé par les contours, Eugène Delacroix tend peu à peu à reconnaître la jouissance procurée par la couleur, suscitant cette volupté qu'exhale le journal. J'aurais voulu l'entendre encore plus souvent dire cela, démontrant peu à peu que la grandeur peut aussi être obtenue par la couleur. Il y a alors une perception d'une relation entre la couleur et la mort, entre la féminité et la décomposition. J'ai alors vu dans cette alchimie du contours et de la couleur le fabuleux mouvement qui saisit la peinture de l'artiste jusqu'à venir bousculer les pages de ce journal dans un incroyable tangage. Mais s'il y a dans la peinture de Delacroix une alliance avec l'amour voluptueux et la cruauté des passions véhémentes, j'ai cherché inlassablement dans les pages de ce journal dans quels vertiges amoureux il avait puisé cette inspiration. Étrangement le texte s'adresse à lui-même mais il n'évoque quasiment jamais la présence de femmes, hormis la silhouette d'un modèle qui de temps en temps est aperçue subrepticement entre les lignes. Les seules femmes évoquées dans ce journal et qui semblent avoir grâce à ses yeux sont son amie George Sand, ou bien encore sa fidèle gouvernante d'origine finistérienne, Jeanne-Marie le Guillou, qu'il surnomme Jenny. Pourtant certaines toiles évoquent l'érotisme, certes on est pieds et poings liés au désir violent et morbide dans La mort de Sardanapale. Femmes d'Alger dans leur appartement ou bien encore Femme caressant un perroquet atténuent la fougue sauvage de l'artiste. Dans ce journal, l'artiste livre peu de confessions, son coeur intime y est absent, sans doute obsédé par cette volonté constante de retoucher son image, d'approcher le mythe du peintre... Cependant, parfois transparaît quelque chose d'autres entre les mots, qui s'échappe et qui revient comme un écho à la mélancolie de l'homme… Ce journal va à l'endroit de la mémoire et du souvenir. Indubitablement la peinture ne peut pas remplir cette fonction, tandis que l'écriture est mémoire, elle est ce retour de ce qui vient d'être vécu, et ce qui venant d'être vécu, se relie à quelque chose qui a été vécu antérieurement parfois il y a très longtemps. C'est le moment mélancolique, le moment fondateur de la mélancolie, le moment où intimement peut-être Delacroix revient au souvenir de sa mère... Ce journal a été pour moi une plongée dans l'univers d'un artiste complexe et passionné. Il en ressort le portrait d'un génie dans son art, qui laisse dans son écriture venir celui aussi d'un homme déchiré de tensions et de contradictions, animé d'humeurs changeantes, d'angoisse et de mélancolie. Je me figurais une autre vision sociale de l'auteur du célèbre tableau La Liberté guidant le peuple. Dans ce journal, tout au long des années et plus particulièrement dans la deuxième époque, Delacroix est extrêmement critique de son époque, il se plaint sans cesse de la démocratie, déteste le peuple, fustige la modernité, se moque de la mode que suivent les femmes. C'est l'expression d'un réactionnaire à tous points de vue et dans sa vision artistique, c'est celle d'un classique bien plus qu'un romantique. C'est une voix qui fait la morale sans arrêt, c'est une voix qui donne des leçons, c'est une voix qui dit fait ci, fait ça, fait pas ci, fait pas ça. Peu à peu il se met à écrire dans le style des moralistes de la forme brève, parfois j'ai trouvé cela insupportable. Qui plus est, Balzac n'a aucune grâce à ses yeux, jugeant que sa prose est chargée de trop de détails... Aussi vous imaginez mon ire... Peut-être a-t-il pensé devenir un écrivain se donnant comme modèle Montaigne qu'il admirait. Il n'y est selon moi pas parvenu. Pourtant, il m'a semblé entendre aussi dans ce journal, à travers la scansion du temps, une voix, une petite voix. Où sont les mots quand un peintre travaille, où sont-ils ? Y a-y-il des mots au moment du travail ? La peinture c'est l'espace où il n'y a pas de mots, sauf peut-être quand il s'agit du peintre Elstir dans la Recherche. Ce journal est aussi une manière pour l'artiste de nous montrer sa façon de vivre le temps. Dans cette mélancolie des pages, nous parvenons presque à visualiser son rapport au temps, son journal y contribue, une angoisse apparaît durant tous ces jours blancs qui ne se voient pas dans l'édition, il y a des pages entières qui sont absentes, tous ces jours où il n'écrivait pas, bien sûr il peignait inlassablement c'était un forcené de la peinture, mais tous ces jours où il ne peignait pas et où il n'écrivait pas deviennent des pages absentes de ce journal, une angoisse paraît en creux, où l'on suppose qu'il continuait à morigéner contre le destin... L'adresse est particulière, le journal est adressé à un inconnu, lui-même , à un autre, il a fait sa vie seul, il a déterminé son parcours seul, c'est un dialogue intérieur, on peut même aller jusqu'à parler de méditation à certains endroits. J'ai senti un être profondément seul, il a déterminé lui-même son parcours, son journal lui tient de compagnie. Parfois il dit écrire pour tenir le coup, peindre sans raison, il peint pour rien, reconnaît-il avec un peu de provocation. La jouissance et la terreur s'entremêlent dans ce journal, l'angoisse y vient plus tard, c'est celle d'être un artiste. On entend cela, ces hauts, ces bas, ces doutes, ces fluctuations du temps, dans le flux du journal. Ce n'est pas un grand texte mais c'est un texte important pour nous faire entendre cela, cette voix qui dit ces doutes. À la toute fin du journal Delacroix évoque l'Église de Saint-Sulpice, son dernier chantier qui lui a causé bien des tourments, il est déjà très malade quand il commença cette vaste et ultime fresque, les trois peintures monumentales de la chapelle des Saints-Anges. Il y venait tous les matins, depuis sa maison et son atelier situés à deux pas au 6 rue de Furstemberg ; c'était sa dernière grande passion, il écrit qu'il y venait comme il allait voir sa maîtresse. Le 13 août 1863 il meurt, tandis que sa fidèle gouvernante Jenny lui tient la main et recueille son dernier souffle. Les derniers mots adressés à son journal furent ceux-ci griffonnés au crayon d'une écriture tremblotante quelques jours plus tôt, le 22 juin : « le premier mérite d'un tableau est d'être une fête pour l'oeil. »

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Fiche technique du livre

  • Genres
    Classiques et Littérature , Littérature Classique
  • EAN
    9782259185127
  • Collection ou Série
  • Format
    Grand format
  • Nombre de pages
    976
  • Dimensions
    240 x 155 mm

L'auteur

Eugène Delacroix

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32,00 € Grand format 976 pages