Demain, et demain, et demain : Le livre de Gabrielle Zevin

C'est une histoire avec un point de vue hyper original puisqu'il met en scène des amoureux de jeux vidéos qui cherche à faire de leur passion un métier, en réalisant leur propres jeux. L'ambiance est tout à fait unique et nous plonge dans un univers qui dénote vraiment par rapport aux livres plus classiques si on peut dire. Le livre est assez épais mais se lit très bien et très rapidement. Je pense que même si l'on n'est pas passionné par les jeux vidéos on peut se retrouver emporter par l'histoire. Car derrière cet univers de jeux, se cache des enjeux plus communs tel que l'amitié, les liens professionnels, familiaux, l'amour, les projets... Qui peuvent donc toucher tout le monde.

Cet avis sera totalement décousu et brouillon. Voilà déjà 3 semaines que j'ai terminé Demain, et Demain, et Demain au moment où j'écris cet avis et comme un vin de qualité, plus le temps passe, plus il se bonifie dans ma mémoire. On m'avait parlé d'un livre triste et pourtant, j'ai la nette impression que mon cœur n'a cessé de gonfler durant ma lecture. Quelle histoire, quels personnages, quelle claque. Demain, et Demain, et Demain fait vraiment parti des livres que j'ai choisi de lire à cause, ou plutôt grâce à la hype qui l'entoure, et qui a largement dépassé toutes les attentes que j'en avais. Rares sont les livres qui parviennent à me happer instantanément dès les premières pages. Gabrielle Zevin porte cette histoire avec ses tripes, ses personnages semblent être des retranscriptions de personnes réelles. Car quels personnages ! Consistants, terriblement réalistes dans leurs forces, leurs faiblesses surtout, leurs ambitions, leurs craintes... L'univers du jeu vidéo - qui me parle énormément dans tous les cas - est ce fil rouge qui transcende tout le roman, nous permettant de suivre nos personnages sur plusieurs décennies. C'est simple, si j'ai eu envie de pleurer à la fin du livre, c'est de devoir quitter toutes ces personnalités auxquelles je me suis attachée, comme à une famille. Demain, et Demain, et Demain est le type de romans que j'ai envie de lire tous les jours, et que je trouve encore trop rare de nos jours. L'écriture est d'une intelligence folle, facile et accessible et pourtant si subtile, si poétique, avec une temporalité assez complexe qui mêle passé, présent et futur, le tout pour plusieurs personnages. Gabrielle Zevin aborde énormément de sujets, entre identité, sentiment d'appartenance, amour, amitié, misogynie, handicap, estime de soi, évolutions sociétales, etc. Sans pour autant avoir de sentiment de lourdeur, ou de moralisation. C'est la vie, en tout cas la vie de nos protagonistes, sur un grand laps de temps, avec tout ce que cette vie a à offrir, avec son lot de réussites et de gros échecs, comme vous et moi. Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant vibré pour un roman et pour ses personnages.

Dans ce roman, il y a énormément de choses. On suit nos protagonistes depuis leurs enfances, on a donc leur passif et celleux de leur famille. On va y parler d’immigration, d’identité, mais aussi d’acceptation. Le fait d’être une femme dans le monde du jeu vidéo, le sentiment de jalousie que crée un échec ou une réussite, la mise en lumière de la réussite… Le fait d’avoir confiance en soi… Le deuil, le fait de se sentir trahi… Les thématiques sont aussi nombreuses que les pages de ce livre. Les protagonistes sont diversifiés et inclusifs, le fait que le récit se déroule sur plusieurs années créées une proximité avec elleux, on s’y attache énormément. Au dos, il est dit que ce livre est une histoire d’amour et c’est vrai, mais pas au sens traditionnel ou vous l’entendez. Ce sont plusieurs histoires d’amour qu’on nous conte, celle d’amants, d’ami.e.s, d’âmes-sœurs. Et j’ai aimé que tout ne soit pas “facile” dans la romance. Ce n’est pas prévisible, ce sont les aléas de la vie. Il est vrai qu’il arrive énormément de choses à Sam’, Sadie et Marx. Leurs vies sont “incroyables”, iels étudie, se perdent de vue, connaissent le succès, deviennent riches, un grand drame les touchent, mais la vie continue. Ce livre fait partie de ces récits qu’on lit en ce disant qu’ils sont improbables, un peu tirés par les cheveux, mais qui nous emporte tout de même avec eux. Car ce qu’il raconte est universel et que tout est possible au final. J’ai aimé la métaphore du PNJ pour décrire Marx, je pense qu’elle peut s’appliquer à toustes. On est toustes le PNJ de la vie de quelqu’un, mais malgré tout le héro.ïne de la nôtre. Ce livre est une lecture que j’ai aimée, j’avais hâte de découvrir la suite de l’histoire de Saddie et Sam’, mais quand je l’ai eu fini, j’ai eu un sentiment d’insatisfaction. Je ne suis pas sûr que cette fin me convient, elle est vague. Un peu comme la vie, vous me direz ? Mais j’ai, dans tous les cas, été attristé de terminer ma lecture. Ce qui prouve qu’elle m’avait emporté.

Sam et Sadie se retrouvent après des années sans se parler, par hasard sur le quai d’une gare. Passionnés de jeux vidéos, ils se lancent le défi d’en créer un ensemble, fruit de leurs deux imaginaires, et de la technique acquise par Sadie. Travailler ensemble leur permet de retrouver cette intimité unique qu’ils ont connu enfants, quand ils jouaient aux jeux vidéos à l’hôpital où Sam était traité pour son pied fragmenté en mille morceaux, et où la soeur de Sadie combat son cancer. Max, coloc de Sam parachuté producteur, veille à ce qu’ils ne manquent de rien pour leur permettre de se dédier entièrement à leur jeu naissant, Ichigo. Celui-ci sera un succès retentissant, changeant et liant leurs vies à jamais – pour le meilleur et pour le pire. Gabrielle Zevin nous fait entrer, avec ce récit foisonnant, dans les secrets de fabrication des jeux vidéos, processus créatif comme tant d’autres, d’une rare richesse puisqu’il s’agit à la fois de construire une intrigue suffisamment complexe pour permettre des heures de jeu, mais aussi de lui donner corps, visuellement et esthétiquement parlant. Entrelaçant les moments de vie et les moments de création, montrant l’incidence des uns sur les autres, l’autrice tricote une relation d’une grande richesse entre ces deux personnages si différents et pourtant si complémentaires. Sam et Sadie ont une relation faite de non-dits qui tantôt les rapprochent, tantôt les éloignent mais finissent toujours par les ramener l’un à l’autre. Sur les quelques vingt années que raconte le livre, ils passent leur temps à s’adorer et à s’entre-déchirer, soulignant la complexité des rapports humains, heurtés par les incidents de la vie, de la plus petite action mal interprétée à la perte d’un être aimé. Les mondes virtuels leur permettent toujours une échappée salutaire, une possibilité de se retrouver ailleurs, et de trouver dans cet ailleurs des réponses aux problèmes sans solutions du monde réel. Traversé par les sujets d’exclusion raciale, d’homosexualité, d’appropriation culturelle, de non-binarité, de handicap, et bien d’autres encore, ce roman foisonnant donne à voir et à émouvoir sans laisser une minute de répit.