Dès que sa bouche fut pleine : Le livre de Juliette Oury

L'autrice imagine un monde dystopique où la sexualité est une activité commune et partagée, alors que la cuisine, manger en commun, sont des activités sulfureuses assimilables à de la débauche. Juliette Oury file la plaisanterie jusqu'au bout: on ne va pas dîner, on va b.iser; on ne passe pas à table , on passe en banquette, on ne va pas au Monoprix, mais au Pornoprix. La Brigade des Moeurs devient la Brigade des Mets, chargée de traquer les cuisinières clandestines. On suit le quotidien d'un couple, Laetitia et Bertrand, qui passent beaucoup de temps à faire l'amour, seuls ou avec des amis, et qui se nourrissent uniquement de barres nutritives insipides. Laetitia pourtant se sent des envies culinaires et va bientôt succomber à sa passion. L'autrice décrit avec beaucoup de sensualité la découverte des aliments frais, les pommes, les oeufs, les fruits, leur goût dans la bouche. En se cachant de son mari, Laetitia va fréquenter un atelier de cuisine illégal. Elle va y découvrir un monde de saveurs inconnues.. En lisant ce roman j'ai pensé à l'excellent mais méconnu film " La passion de Dodin Bouffant", oscarisé à Hollywood. J'ai eu un peu la même impression de "pornographie culinaire" , tous les sens étant réunis pour apprécier la "belle bouffe". Le roman tourne un peu en rond quand même, la métaphore finit par lasser. On y apprend quand même des choses, comme le secret d'une bonne ratatouille: faire cuire les légumes séparément !

Imaginez un monde dans lequel la place du sexe et celle de la nourriture sont inversées. Un monde dans lequel le gouvernement ne préconise pas cinq fruits et légumes par jour pour assurer la santé de sa population, mais un nombre de rapports journaliers. Un monde dans lequel on ne parle pas de nourriture en société parce que c'est tabou. Laetitia et Bertrand sont en couple, mais Latitia ne se complaît plus dans leur quotidien fait de barres nutritives sans saveur. Le charme des débuts est révolu, cuisiner ensemble n'est plus qu'un lointain souvenir. Elle tente de parler à Bertrand de cette faim qui la tourmente, en vain. Alors pour combler ce manque, elle se lance dans une quête culinaire interdite. J'ai apprécié cette lecture et j'ai trouvé la démarche de Juliette Oury très originale. Il s'agit d'un exercice amusant et assez déroutant pour l'esprit. Pour aller au bout de son idée, l'autrice a entrepris une réelle recherche, qui se ressent dans le vocabulaire employé tout au long du livre. Ainsi, on retrouve entre autres expressions, « une soirée à la bonne banquette », on ne se souhaite pas un « bon appétit », mais « un bon désir ». La « brigade des mets » rode et lutte contre le « proxénétisme culinaire » et ses « travailleurs de la bouche ». J'ai également aimé les clins d'œil aux comportements problématiques auxquels les femmes se heurtent aujourd'hui. Dénoncer par le biais de l'humour est aussi une manière de faire passer des messages. En tout cas, j'adhère! Et je remercie @oury_juliette pour ce roman rafraîchissant.

Le message derrière le récit est interessant mais il comporte tout de même des défauts. Je trouve la vision de la "vie culinaire" du couple erroné. Dans notre société on n'a pas tous envie de manger à plusieurs pour nous découvrir, on n'est pas forcément attiré par les hommes ET les femmes. Ça aurait été plus réel si les personnes de toute sexualité pouvaient s'y retrouver. D'ailleurs "coucher" avec une personne avant même de "manger" avec elle peut susciter de la jalousie qui n'est pas assez présente à mon goût dans le livre. Je trouve l'histoire cool dans l'ensemble, surtout pour ce qui est de déconstruire le tabou autour du sexe, mais ça ne colle pas toujours malheureusement.