Histoire des coureurs de bois : Le livre de Gilles Havard

Dans l'Historiographie anglo-saxonne, la figure des coureurs des bois est complètement fantasmée. Leurs rôles d'éclaireurs et les expéditions militaires qu'ils ont montées dans les conflits des guerres indiennes entre la Nouvelle France et les colonies anglaises, ont forgé, chez les héritiers de ces derniers, un imaginaire qui a longtemps été considéré comme l'atout majeur des Français leur permettant de tenir si longtemps face à la déferlante des colons et autres armées britanniques. Il est vrai que la figure du coureur des bois est durablement associé à l'univers de la nouvelle France mais la réalité dépasse amplement le cadre étriqué du survivaliste omniscient ou du presque sauvage dans laquelle l'historiographie anglaise l'a placé. L'ouvrage de Gilles Havard permet de déconstruire cette image et de recomposer celle d'un élément constitutif de l'Amérique du Nord et pas seulement de l'Amérique francophone. le coureur des bois est un terme qui qualifie l'homme qui part dans les forets (à l'ouest généralement) pour faire la traite des pelleteries (peaux de castors et autres) auprès ou avec les sociétés amérindiennes. De fait, ils se retrouvent souvent à être les premiers occidentaux à découvrir les territoires de ce contient. La toponymie locale de toute l'Amérique du Nord en garde des traces flagrantes que l'accent anglo-saxon peine à altérer parfois ; ainsi, si « la rivière aux serpents » et logiquement devenu la « snake river », on pourra apprendre que l'Ohio est une transcription littérale homophone du terme natif pour désigner la rivière éponyme qui ne se prononce pas « Au-Aïe-Au » mais « O-yo » à la française. Outre ces singularités érudites - et franchement anecdotiques - l'ouvrage permet surtout de découvrir aussi bien la réelle sociologie de ces coureurs des bois que leurs pratiques et leurs motivations. Il dresse alors le portrait d'une société en cours de créolisation dont on peine aujourd'hui à lire les traces autrement que dans la toponymie. Cela est dû à deux phénomènes successifs. le premier est lié à la disparition de la Nouvelle France où les commerçants principalement écossais ont pris le contrôle du commerce des peaux tout en continuant à employer le personnel francophone et métisses. le second, plus radical, est la conquête de l'Ouest par les colons américains qui ont quasiment annihilé les scories de cette société saisonnière après en avoir exploité les routes et les réseaux. Gilles Havard livre ici un ouvrage quasiment somme sur la thématique tellement il paraît exhaustif sur le sujet. C'est un peu long et sa valeur scientifique impose de prendre le temps pour lire ses 860 pages (dont une centaine de notes et références) afin de (re)découvrir l'histoire de cette humanité interlope pour laquelle peu de sources écrites subsistent compte tenu de l'origine souvent humble de l'essentiel du contingent de ces coureurs des bois. PS: à l'heure où je daigne enfin écrire une critique sur cet ouvrage lu à l'occasion de sa sortie, il y a trois note (dont la mienne) sur Babelio et franchement, le 1 n'est pas mérité. Je conçois qu'on puisse ne pas être très fan des ouvrages universitaire et qu'on puisse être franchement rebuté par leur rhétorique peu attrayante, mais de là à mettre une note punitive de 1? Au regard du réel travail important et que la qualité somme tout très honnête de la rédaction de l'ouvrage et de l'indéniable effort didactique pour présenter tout cela de façon clair et ordonnée, je trouve cela vraiment déplacé. Mieux vaut n'en mettre aucune à moins qu'il s'agissent d'un mesquin règlement de compte par réseau social interposé ce qui ne vaut pas mieux et n'excuse rien.