Jeu cruel : Le livre de Mara Goyet

Maya Goyet revient sur son expérience d’actrice dans La Vie de famille de Jacques Doillon en 1984, alors qu’elle avait 10 ans. Elle démontre que, sans avoir été victime à proprement parler de comportements punis par la loi, on peut être agressé et maltraité psychologiquement avec pour justification l’art et le pouvoir discrétionnaire de l’artiste. On a créé autour d’elle un climat qui l’a conduite à s’opposer, à se rebeller, et on a ensuite « pillé » ses mots, ses réactions, qu’elle retrouvait le lendemain dans le scénario. On l’a confrontée à un personnage de père, présenté comme séduisant alors que maintenant on le qualifierait de pervers narcissique et libidineux, qui culpabilise sans cesse son entourage féminin, casse la gueule du seul autre personnage masculin et n’hésite pas à embrasser de force sa belle-fille (jouée par une Juliette Binoche de 20 ans très souvent seins nus). La petite fille était ainsi très mal à l’aise, sans oser l’avouer, ayant en plus l’impression que l’ensemble baignait dans un climat incestueux subliminal, mais que puisque tout son entourage trouvait ça normal, elle avait l’esprit mal tourné et était coincée. Même aujourd’hui, le souvenir de ce tournage lui est douloureux. L’époque a bien sûr changé, parce qu’on reconnaît désormais plus volontiers le caractère délétère de certains comportements, mais cette prise de conscience est récente et pas encore tout à fait digérée par certains qui dénoncent des atteintes à leur masculinité. Le propos est intéressant et édifiant mais le format du livre me semble un peu surdimensionné : en effet, cette lecture ne m'a pas apporté beaucoup plus que les quelques interviews que j'avais pu lire sur cette expérience.