" Les disques publiés par les ethnomusicologues ne constituent qu'une partie de leur travail. Simha Arom est réputé pour ses enregistrements de polyphonies pygmées, mais l'essentiel de ses recherches a porté sur les systèmes musicaux. D'abord corniste d'orchestre symphonique, il créa un musée à Bangui avant de découvrir les musiques africaines. Dans La fanfare de Bangui, il retrace comment il a, pas à pas, trouvé les méthodes pour expliquer la complexité qui se cache derrière leur beauté. Il montre, de manière accessible, comment elles sont liées à la vie sociale et aux visions du monde. À partir de là, le travail de Simha Arom rejoint les sciences cognitives parce qu'il éclaire les procédures de construction des connaissances. "
POLITIS
" Il y a une chose presque miraculeuse dans ce livre: Arom arrive à nous faire comprendre des histoires de rythmique et d'échelle pentatonique, il arrive même à nous y intéresser. Pour qui l'a vu, durant son séminaire, obliger ses étudiants à aller au bout d'une réflexion et les faire danser pour trouver le rythme d'un air de candomblé, ce n'est pas si surprenant. Dans le livre, on le voit pénétrer la structure de la musique aka à l'aide d'une méthode qui associe enquête policière, bricolage de bouts de ficelles et immense ouverture à l'esprit de l'autre. Arom raconte ses recherches avec passion, humour et précision. "
LIBÉRATION
" Arom part, en 1963, à Bangui en mission de coopération commandée par le gouvernement israélien. Le président de la République centrafricaine lui demande de fonder une chorale. En dépit des mercuriales racistes d'un Père blanc ("les Noirs chantent tous faux !"), une chorale de musiciens centrafricains se produit, trois mois plus tard, en des circonstances officielles qui ravissent le président de la République. Arom a alors loisir de réclamer ce qui lui tient le plus à coeur: "La création ex nihilo d'un musée des arts et traditions populaires centrafricains où la musique aurait évidemment une large place." Miracle: le président débloque 2 millions de francs CFA, met à disposition un chéquier, des locaux et des véhicules. Arom acquiert un outil déterminant, un Nagra, "la Rolls des magnétophones", et part vers ce monde musical qu'il ne connaît pas en compagnie d'un homme de radio qui lui apprend le maniement du micro, son rapprochement plus ou moins grand de la source sonore. Cette technique va être profitable à Arom lorsqu'il va découvrir, stupéfait, puis décrypter les polyphonies pygmées dont il deviendra l'un des grands ethnomusicologues spécialisés. Pour l'heure, le corniste découvre que les instruments, en dépit de leur "apparence rudimentaire" ont un "mode d'utilisation [...] extrêmement subtil" et que les pièces jouées et chantées sont d'une complexité qui défie les capacités de l'oreille occidentale. "Aiguillonné" par la déclaration d'un ethnomusicologue réputé mais dépité, Arom dénoncera le postulat selon lequel "la polyrythmie africaine défie toute analyse". Son récit narre, avec des détails techniques éclairés par un sens remarquable de la pédagogie, comment, avec l'aide du magnétophone et du synthétiseur (joli et instructif chapitre qu'"Un synthétiseur dans la brousse"), il va parvenir, enfin, à déchiffrer les rouages de cette mécanique polyrythmique. On note avec intérêt cette remarque riche de sens (sûrement transposable à nos pratiques artistiques occidentales): "Ainsi que j'ai pu le constater dans nombre de sociétés africaines, il semble exister une relation inversement proportionnelle entre le raffinement des arts plastiques et celui de la musique. Là où architecture, peinture, sculpture, masques sont peu présents, le patrimoine musical est en revanche plus riche. "
LE MONDE
" Ce récit qui se lit comme un roman retrace l'itinéraire de l'auteur, autodidacte, n'ayant reçu aucune formation académique, et qui ouvre des yeux neufs sur l'Afrique. Il étudie, écoute, s'enthousiasme, s'interroge, bricolant un système d'enregistrement capable de démêler les différents rythmes avant de mettre au point une méthode d'analyse. Simha Arom raconte aussi sa découverte du continent, enchaîne rencontre émouvante et anecdotes truculentes. Et sur le fond, sans nous noyer dans la description technique des rythmes, il nous fait bien comprendre que cette musique, qui apparaissait même aux spécialistes comme une superposition de sons inorganisés - ce qui au sens propre pourrait être qualifier de cacophonie -, est en fait dotée d'une structure très solide. Analysée avec des oeillères occidentales, elle semblait incompréhensible... Il y fallait un regard, ou plutôt une oreille neuve. "
SCIENCES ET AVENIR