La nostalgie des sentiments : Le livre de Hanni Munzer

C’est le troisième roman de cette auteure que je lis et je prends une nouvelle fois plaisir à découvrir ses histoires et ses personnages toujours très attachants. Dans le petit village de Peterdorf, à quelques kilomètres de la frontière Polonaise vit la famille Sadler, la grande guerre est terminée depuis peu et elle a laissé énormément de stigmates puisqu’un des fils Sadler est mort au front et August, le chef de famille est revenu gravement blessé, il ne parle plus, n’entend plus et peut à peine bouger. C’est Kurt Sadler, un des trois fils, qui était prisonnier jusqu’en 1922, qui dirige désormais la ferme. Mais en 1928, Kurt est heurté par un énorme boeuf et succombe à ses blessures. Charlotte Sadler, la mère de famille attend l’arrivée de Laurenz, son fils cadet qui étudie la musique à Wroclaw et qui va laisser ses rêves de côté afin de venir travailler dans la ferme. Il arrive avec Anne-Marie, épousée secrètement. On ne sait rien de son épouse à part qu’elle est orpheline, désargentée et qu’elle cache un terrible secret que même Laurenz ignore. Charlotte n’est pas très enthousiaste quant à sa bru qu’elle trouve bien trop frêle, trop pâle, des mains trop fines et peut-être trop intellectuelle pour les travaux de la ferme, elle est, de surcroît enceinte ! Les deux femmes ne sont pas prêtes de s’entendre, Charlotte est ordonnée quand Anne-Marie laisse tout traîner, Anne-Marie est très maternelle quand Charlotte trouve qu’elle en fait trop avec Kathy, son nouveau né. Mais Anne-Marie ne se laisse pas atteindre par les réflexions de sa belle mère et finalement la vie est plutôt cool dans la ferme familiale. L’auteure nous décrit le quotidien de cette famille ou Kathi devient une petite fille très intelligente, voire surdouée. Anne-Marie n’est pas bien vue par les gens du village mais elle fait avec, quand un certain Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne tout bascule et si, à la ferme, on ne pense pas à la possibilité d’une nouvelle guerre, tout laisse pourtant entendre qu’elle est inéluctable. Les Sadler font profil bas, il ne faut pas parler politique, d’autant plus qu’ils ne sont pas du tout favorables aux idées du fûhrer. Anne-Marie donne naissance à une seconde fille, une petite Franzi, une enfant qui vit dans son monde et qui possède une sensibilité que n’ont pas les autres. Kathi et elle sont très liées. En 1939 les Allemands signent le pacte de non agression Germano-Soviétique, des échanges d’agents secrets démasqués ont lieu et ce n’est pas sans conséquences avec le secret d’Anne-Marie qui n’est toujours pas dévoilé, même le lecteur n’a que des bribes, était-elle agent secret ? La guerre est là, Laurenz qui a pensé un moment déserter est envoyé à l’Est. Le pacte entre l’Allemagne et la Russie a volé en éclats. La traque aux juifs a commencé, au village tout le monde se méfie de tout le monde. Avec d’un côté l’armée Allemande et de l’autre l’armée russe, la ferme Sadler se retrouve prise en étau et la marge de manoeuvre d’Anne-Marie, quant à son secret- se rétrécit de jour en jour, sans compter que Kathi, qui a gagné un concours de mathématiques, est dans le viseur du reich, ils veulent la récupérer pour se servir de son savoir. Anne-Marie refuse de la laisser partir. Quel roman ! l’histoire est un peu comme un petit ruisseau qui chante, qui devient rivière et qui, tout à coup, se transforme en torrent. L’auteure mélange habilement faits historiques et personnages fictifs. Si je trouve qu’il y a parfois des longueurs, le roman reste néanmoins très agréable et intéressant historiquement parlant. Il y a un second tome qu’il faudra que je lise absolument parce que la fin du premier nous laisse dans le chaos et dans les plus grandes interrogations quand au destin de Kathi et aussi d’Anne-Marie. Un agréable moment de lecture en ce qui me concerne.