L'animal et la mort - Chasses, modernité et crise du sauvage : Le livre de Charles Stépanoff

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La Découverte

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La modernité a divisé les animaux entre ceux qui sont dignes d'être protégés et aimés et ceux qui servent de matière première à l'industrie. Comment comprendre cette étrange partition entre amour protecteur et exploitation intensive ? Parce qu'elle trouble cette alternative, la chasse offre un point d'observation exceptionnel pour interroger nos rapports contradictoires au vivant en pleine crise écologique.
À partir d'une enquête immersive menée deux années durant aux confins du Perche, de la Beauce et des Yvelines, Charles Stépanoff documente l'érosion accélérée de la biodiversité rurale, l'éthique de ceux qui tuent pour se nourrir, les îlots de résistance aux politiques de modernisation, ainsi que les combats récents opposant militants animalistes et adeptes de la chasse à courre. Explorant les cosmologies populaires anciennes et les rituels néo-sauvages honorant le gibier, il fait apparaître la figure du " prédateur empathique " et les rapports paradoxaux entre chasse, protection et compassion. Dans une approche comparative, historique et ethnographique de grande ampleur, cet ouvrage éclaire d'un jour nouveau les fondements anthropologiques et écologiques de la violence exercée sur le vivant.

Prix de l'essai France Culture-Arte 2021
Prix François Sommer 2022

De (auteur) : Charles Stépanoff

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Expérience de lecture

Avis Babelio

celestineh

5.00 sur 5 étoiles

• Il y a 1 mois

Il est bien difficile de critiquer cet essai foisonnant et passionnant que j'ai pris le temps de lire lentement. Déjà, il me semble important, comme d'autres lecteurs, de se situer par rapport à son sujet. Je l'ai abordé en tant que citadine, anti-chasse mais comme beaucoup de citadins, peu informée sur le sujet. J'étais intéressée de me documenter sur la question et de manière générale, j'avais entendu parler de cet auteur par les médias et par 4bis (merci à elle qui m'a incitée à cette lecture !) La première partie est plutôt consacrée à un état des lieux, et sans surprise, celui-ci n'est guère joyeux : La plaine, après le remembrement et des années de culture intensive, est devenue un monde de plus en plus désert. Les chasses paysannes qui s'y déroulaient (lièvre, faisan, perdrix, lapin) deviennent rares puisque les animaux ont disparu ou font l'objet d'élevage dans de tristes conditions qui les empêchent de s'adapter à leur milieu et en font des proies trop faciles. L'auteur explique l'effondrement de la biodiversité et émaille sa réflexion de discussions avec les habitants ruraux de la région où il enquête (le Perche). Il explique la grande connaissance de leur milieu qu'ont ces habitants, traditionnellement chasseurs, mais aussi désireux de protéger leur environnement. Ils sont en première ligne pour constater les profonds changements dudit environnement. La forêt, a contrario, s'est développée même si certaines parcelles ressemblent plus à des cultures d'arbres qu'à de véritables forêts aux essences variées. Le grand gibier, à l'inverse de celui des prairies, s'y est multiplié et les chasses au cerf ou au sanglier, autrefois réservées aux élites, sont désormais accessibles à tous. Dans son enquête, l'auteur a pris soin de rencontrer des chasseurs et des militants anti-chasse, les seconds étant souvent plutôt citadins ou suburbains. Il distingue clairement la chasse commerciale de la vénerie (chasse à courre). Il explique comment la première se déroule dans des forêts souvent achetées par des financiers, souvent grillagées, dans lesquelles les animaux sont nourris artificiellement. Elle est plutôt pratiquée par des citadins, ayant peu de connaissance du monde vivant mais avec des moyens pour payer des droits de chasse élevés. On aura compris que cette chasse ne recueille pas vraiment son assentiment même s'il reste objectif dans ses analyses. Paradoxalement, la vénerie traditionnelle est plus noble dans son combat contre l'animal et beaucoup moins meurtrière en nombre de proies, mais c'est également celle qui a le plus l'attention des médias et des associations anti-chasse. Elle se déroule avec les veneurs (chasseurs) et suiveurs. L'auteur expose les traditions de la vénerie, qui datent souvent de l'époque médiévale. Il précise aussi le rôle de l'état dans la réglementation de la chasse et comment, celui-ci a toujours favorisé la bourgeoisie au détriment de la chasse paysanne. Au moyen âge, la situation était proche avec l'interdiction de chasse pour les paysans, contraints au braconnage. La seconde partie est moins longue, plus historique et analytique. Il rappelle que la chasse au grand gibier était réservée au roi et à la noblesse et que sa symbolique était forte. Il fait des comparaisons entre les pratiques du monde occidental et celles des sociétés traditionnelles. Il précise notre ambiguïté vis-à-vis des animaux qui se divisent en plusieurs catégories : les animaux enfants que nous dorlotons, les animaux sauvages dont la chasse est de plus en plus mal vue dans la société, et enfin les animaux-matière, grands perdants dans le monde moderne, qui nourrissent aussi les animaux enfants et dont le sort ne cesse de se dégrader. Il expose comment cette violence est possible dans une société-état qui divise les tâches : celui qui tue et prépare l'animal (souvent issu des classes populaires) n'est pas le même que celui qui consomme, alors que dans les sociétés traditionnelles, le même individu va tuer et manger l'animal, ce qui change nécessairement son rapport au vivant. Et dans ces sociétés, il est impensable de dépendre d'un tiers pour son alimentation. Il rappelle aussi comment la violence qui s'exerce à l'encontre de ces animaux matière n'a cessé d'augmenter parce qu'elle peut s'exercer en secret, dans les abattoirs, à l'abri des regards. le sang s'est éloigné de la vie courante. J'aurais encore beaucoup de points à développer mais là n'est pas l'objet de ce billet. C'est vraiment un essai à lire et à partager. Sa lecture est plutôt facile et agréable, ce qui n'enlève rien à l'intelligence du propos. C'est par exemple beaucoup plus accessible qu'un ouvrage de Morizot qui a aussi écrit sur notre rapport au vivant. Bref, vous aurez compris que je sors de cette lecture moins bête, avec des certitudes qui ont vacillé. Je ne suis pas devenue pro-chasse, mais j'ai un positionnement moins simpliste. Et je me questionne encore plus sur le sort des animaux matière. Et je réfléchis sur mon rapport à l'environnement en tant que citadine. J'ai hâte de me plonger dans Attachements. .

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Jumo004

4.50 sur 5 étoiles

• Il y a 2 mois

A travers cet essai, Charles Stépanoff nous propose une réflexion sur la chasse, notre rapport au vivant et au monde dit sauvage. Pour ce faire cet anthropologue utilise abondamment des sources historiques, remontant si besoin au néolithique et des entretiens avec des chasseurs, des habitants et des militants animalistes. Le principal terrain d'étude ce situe entre le perche et la beauce mais la plupart des régions métropolitaines sont évoquées ainsi que les steppes et la Sibérie où l'auteur travaille habituellement. J'ai vraiment apprécié la lecture de ce livre, très riche, très documenté, ouvert à tous les points de vue sur un sujet pourtant très clivant qui sait rester très abordable. Les auteurs universitaires peuvent/veulent pas toujours sortir de leur jargon pour faciliter la lecture et la compréhension des non initiés, c'est ici chose faite. Ayant moi-même côtoyé les deux bords (pro et antichasse) je pensais avoir un avis argumenté sur le sujet à défaut d'être tranché. Mais il me manquait nombre d'éléments que cet ouvrage m'a apporté et que je recommande chaudement.

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L'auteur

Charles Stépanoff

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16,00 € Grand format 456 pages