Le bastion des larmes : Le livre de Abdellah Taïa
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses sœurs, pour liquider l'héritage familial. En lui, c'est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre.
À travers lui, les voix du passé résonnent et l'interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique, happé par le trafic de drogue et la corruption d'un colonel de l'armée du roi Hassan II. À mesure que Youssef s'enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort. Frontière ultime de ce roman splendide, le Bastion des Larmes, nom donné aux remparts de la vieille ville, à l'ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib. " Notre passé... notre grande fiction ", médite Youssef, tandis qu'il s'apprête à entrer pleinement dans son héritage, celui d'une enfance terrible, d'un amour absolu, aussi, pour ses sœurs magnifiques et sa mère disparue.
Prix Décembre 2024
Prix de la langue française 2024
De (auteur) : Abdellah Taïa
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
Cancie
• Il y a 3 mois
J’ai retrouvé en lisant Le Bastion des Larmes (Prix Décembre 2024) tout l’enthousiasme, la spontanéité, la conviction et le réalisme avec lesquels Abdellah Taïa avait présenté son roman aux Correspondances de Manosque. Le personnage principal, Youssef, 46 ans, professeur marocain exilé à Paris, sur l’insistance de ses six sœurs, est de retour à Salé, ville située au bord de l’Atlantique, tout près de Rabat. Il revient dans sa ville natale pour liquider l’héritage familial, vendre le dernier lien qui le rattachait à sa vie d’avant. C’est alors tout un passé, son enfance meurtrie dans le Maroc des années 1980, les traumatismes de sa jeunesse liés à son homosexualité, la soumission et les humiliations qui ressurgissent. Issu d’une famille pauvre, dernier d’une fratrie composée de six sœurs et trois frères, cet enfant pas comme les autres, drôle, efféminé, doit rester dans la cuisine quand la famille reçoit du monde et c’est avec ses sœurs qu’il a ri, dansé, qu’il a tout partagé, sans qu’elles n’aient jamais prononcé le mot gay, mithly. Tout en sachant les horreurs qu’on lui faisait subir dès qu’il mettait les pieds hors de la maison, elles ne le protégeaient pas mais ne le jugeaient pas. Mais très vite ses sœurs ont toutes quitté la maison familiale, se détournant de lui et oubliant ce qu’elles ont vécu avec lui, ce qui fait dire à Youssef, de manière récurrente : « Les femmes ne devraient jamais se marier ». Youssef se souvient aussi de Najib, son premier amant, qui, pour survivre, est parti vivre avec le colonel Toufik, un homme corrompu et trafiquant de drogue parce qu’il lui offrait un espace où il pouvait fuir. Pour Youssef, ce sont les poèmes arabes et romantiques qui lui ont permis de s’échapper. C’est toute la violence et l’hypocrisie de la société envers les minorités sexuelles, les femmes et les enfants et principalement la discrimination des homosexuels dans son pays natal sans oublier le poids de la religion que Abdellah Taïa dénonce avec force dans ce roman. C’est aussi une charge contre le pouvoir et cette caste de privilégiés corrompus qui font les lois, les impose à tous tout en les enfreignant en permanence. Les différences sociales se payent également au prix fort. Je me suis régalée à la lecture de ce roman dans lequel l’écriture peut être poétique et même lyrique et parfois très crue, mais toujours superbe et vivante. Le Bastion des Larmes est un titre qui fait référence à la construction de fortifications et de bastions tout autour de Salé, après l’attaque castillane de 1260, pour la protéger des futures attaques des chrétiens. C’est dans ce lieu triste et magique – Un mausolée en plein air pour les inconsolables, que Youssef viendra à deux reprises. Vengeance et pardon sont au cœur de ce roman déchirant et bouleversant largement autobiographique, avec un dernier paragraphe superbe !
markko31
• Il y a 3 mois
Il y a dans "Le Bastion des larmes" des beautés de style auxquelles je suis d'habitude peu sensible. Les différentes voix qui hantent ce roman sont autant de paroles incantatoires, de personnages non apaisés. Incantations qui virent parfois à l'imprécation ou à la transe, pleines de rage ou de mélancolie. Cette langue demande acclimatation, elle envoûte ou rebute. À ma surprise, je fais partie des fascinés. Pas de doute, l'auteur maîtrise son art. Dans une interview, Abdellah Taïa raconte qu'enfant, son père, par un cérémonial ésotérique, lui faisait "boire les mots" pour le guérir quand il était malade. Je ne sais pas si les mots de Taïa guérissent, mais dans son ambition de "parler vrai, parler nu", il leur impose une cadence particulière, une musicalité à contretemps. Le phrasé cru et doux à la fois a quelque chose de fragile et d'un peu cassé aussi, comme un vinyle rayé qui bute à répétition sur les mêmes mots. Car il faut les répéter, ces mots trop longtemps étouffés, les asséner en ne cachant rien, faire voir la douleur et le scandale alors que les bonnes gens s'obstinent à regarder ailleurs. Youssef est un enfant saccagé mais aime pourtant d'un amour tendre, malgré tout. Sa mère d'abord, tyrannique et un peu sorcière. Ses six sœurs à la fascinante féminité qui l'acceptent dans leur cercle, mais ne le sauveront jamais. Et Najib, ami/amant qui partage son sort un temps mais partira avec un général de l'armée. Petites et grandes trahisons encore vivaces, non-dits exposés ou encore perpétués, l'enfant Youssef devenu homme revient-il pour liquider son héritage une fois pour toutes, pour trouver une forme de pardon et d'apaisement? Abdellah Taïa, approché à l'occasion de la Foire du livre de Brive, possède encore la juvénilité d'un enfant intranquille, observateur toujours sur le qui-vive. Son roman fourmille d'anecdotes qu'on pense vécues, répertoriées avec précision dans sa mémoire d'enfant et témoin attentif. Il est un spectateur voluptueusement épris de cette hystérie familiale, avec tous ses membres entassés les uns sur les autres, une faim perpétuelle dans le ventre. Mais il est aussi une victime, seul, invisible, à la merci de ce que fait la rue à ceux qui transpirent la fragilité et la pauvreté. L'auteur n'est pas le premier auteur marocain à parler frontalement d'homosexualité et de l'enfance abusée, même s'il est l'un des seuls. On pense à "L'enfant ébloui" de Rachid O, antérieur de quelques années. La voix de Najid nous confirmera que la pauvreté est la mère de tous les maux et que dans le confort de l'argent et du pouvoir, point d'ostracisme (du moins en façade) face à l' homosexualité, point de punition contre la corruption. Les doigts accusateurs, la douleur et les humiliations sont pour le petit peuple.
isa-vp
• Il y a 3 mois
Tel les habitants de Salé venus au 13ème siècle pleurer devant ce rempart marocain l’enlèvement, par les Castillans, de 3000 des leurs, Youssef vient aujourd’hui, au bord de l’océan, pleurer sa jeunesse détruite et son ami perdu, Najib. Lui qui a tant aimé ses six sœurs « indomptables et dominatrices » lorsqu’il était un enfant efféminé, s’est vu rejeté, méprisé et abandonné par celles en qui il avait toute confiance, lorsque son homosexualité s’est révélée. Le calvaire des viols qu’il a vécu dans son quartier de Hay Salam a développé en lui un sentiment de vengeance qu’il porte avec « haine et détermination ». Devenu professeur à Paris, il revient à Salé à la mort de sa mère, marchant dans les traces de son passé douloureux et tentant de trouver un « bastion » où déposer ses larmes. La première partie de ce roman est déchirante et j’ai lu avec indignation et émotion le calvaire que vivent les gays dans un Maroc très religieux. J’ai trouvé la suite un peu décousue même si le sujet de la vengeance imprègne toujours les mots en toile de fond. Quant à savoir si la résilience est au bout du chemin, la question me semble rester une interrogation, certainement légitime. AbdellahTaïa est un auteur engagé qui dénonce à la fois le martyre des gays mais également l’asservissement des femmes et son Bastion des larmes devient essentiel pour cette réalité qu’il révèle.
sarahorchani
• Il y a 3 mois
Coup de cœur #x2764 J'ai découvert Abdellah Taïa par " la mélancolie arabe " . J'ai adoré sa plume musicale, poétique et sensible. J'aime le citoyen Abdellah Taïa courageux militant pour les libertés. C'est donc un auteur que je suis. Son dernier roman est magnifique et bouleversant. C'est un roman theatral poétique. L'Histoire de Youssef qui revient au Maroc après la mort de sa mère. Et le retour du passé, des blessures. D'un amour avec Najib. Et toute la difficulté d'une vie homosexuelle au Maroc. L'hypocrisie sociale. L'écriture est toujours sublime. Qui raconte les blessures dans une douceur.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Français
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- EAN
- 9782260056515
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- Collection ou Série
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 224
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- Dimensions
- 206 x 144 mm
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21,00 € Grand format 224 pages