Le Bouleversement du monde - L'après 7 Octobre : Le livre de Gilles Kepel

Kepel nous présente une étude autant détaillée que possible de ce qui s'est passé le 7 octobre 2023 et l'après. Il s'intéresse particulièrement à l'après et aux conséquences de ce pogrom. Gilles Kepel fait le tour, et commente, les évènements survenus après le 7 octobre jusqu'à la fin de l'écriture du livre, probablement en août 2024. Le Hamas ne comptait sûrement pas sur l'intensité de la réaction de Israël. Vu la sauvagerie de l'attaque, la majorité des Juifs se sont rangés derrière le premier ministre Netanyahu, y compris l'opposition. Israël ne pouvait pas ne rien faire. Il y a eu une catastrophe, le mot utilisé par l'auteur, chez les Palestiniens avec des dizaines de milliers de morts. Difficile d'éviter, vu que le Hamas s'est mélangé, lui et ses installations militaires, avec la population civile et l'a utilisé comme bouclier humain. Même l'OLP a critiqué le Hamas sur le fait qu'ils n'ont pas prévu la réaction de Israël, pourtant très évidente. L'auteur dédie le dernier chapitre à l'exacerbation de l'identitarisme. Vraisemblablement l'antisémitisme qui était considéré comme un attribut de l'extrême droite est passé complètement à la gauche, qui le pratique de façon décomplexée, surtout en Europe et en Amériques (Nord et Sud). Résultat des adeptes de l'idéologie anti-colonialiste. Les rares de l'extrême droite qui le pratiquent encore sont rapidement remis à leur place. J'ai trouvé ce texte assez équilibré. Gilles Kepel ne prend pas parti et n'élude pas les critiques faites à Netanyahu. Le problème de ce livre est que la situation évolue rapidement. Il y a eu, après la sortie de ce livre, la mort de Yahya Sinwar, commanditaire du pogrom, la décision de la CPI concernant une demande d'arrestation de Netanyahu et des dirigeants du Hamas et encore la chute de Bachar al Assad. Gilles Kepel explique, dans une vidéo[1], les raisons de la chute de Bachar al Assad. Pour faire simple, la fragilisation de ses soutiens : le Hamas, le Hezbolah et l'Iran. Aussi, la Russie est empêtrée dans la guerre contre l'Ukraine. Alors les rebelles ont profité du moment pour renverser le dictateur. Ceci est un sujet conflictuel. Beaucoup de polémique autour de ce sujet. Gilles Kepel est un politologue spécialiste reconnu du monde arabe contemporain et de l'islamisme radical, travaillant sur ce sujet depuis une cinquantaine d'années. Professeur émérite de l'Université Paris Sciences et Lettres. On peut ne pas être d'accord avec ce qu'il dit mais il faut avoir des bons arguments. Ce livre n'est sûrement pas parfait. Il y en a même qui, par aveuglement idéologique, mettent en doute les compétences scientifiques de Kepel... que penser ??? [1] https://www.youtube.com/watch?v=ov8meyp6hLc - «La vérité sur la chute téléguidée du tyran Bachar-al-Assad»

Pour tuer un éléphant, il faut tirer à coup sûr, de face et entre les deux yeux. Sinon, il charge. Les organisateurs du 11 septembre ne le savaient pas. Le résultat a été vingt ans de guerre en Afghanistan Les organisateurs du 7 octobre le savaient. Le résultat est un mouvement mondial de solidarité avec le Hamas (avec Gaza, certes, mais la seule organisation à Gaza c’est le Hamas), au prix d’un désastre à Gaza, qui était forcément prévisible, vu la composition du gouvernement israélien à ce moment… Kepel est honnête et n’émet pas cette hypothèse, il ne fait que constater le résultat. La différence est géographique : l’Afghanistan est peu connu et observé, au contraire de Gaza ; et temporelle : les réseaux sociaux sont de formidables outils de propagande et de rassemblement communautaire. C’est ce résultat qu’ausculte l’auteur de ce livre. C’est un constat. Ce livre est un constat. Toutefois, quelques points sont manquants : 1) il me semble occulter l’existence d’un anti-judaïsme culturel, omniprésent, insidieux dans la vie quotidienne des pays arabes, donc dans l’éducation qu’y reçoivent les enfants… de la part de l’environnement autant que de la famille. Anti-judaïsme présenté comme anti-sionisme, qui a fait déferler sur les réseaux quantité de messages lapidaires, souvent réduits à une icône-drapeau, occultant toute réflexion, toute prise de recul. Anti-judaïsme qui explique cette mobilisation-ci et l’absence de mobilisation pour les Rohingyas, les Ouïghours, les Bosniaques, les Syriens. 2)L’auteur donne peu d’importance à la solidarité systématique de la umma, dont tous les membres vont ne voir comme victime que la partie musulmane (et en l’occurrence comme bourreau Israël, 22000 km2 de mécréance au milieu des centaines de milliers de km2 de glacis musulman). 3) L’auteur parle peu de l’instrumentalisation de la cause palestinienne par les dictatures et gouvernements en difficulté, en recherche de causes mobilisatrices. Exemple : El Moudjahid a annoncé le 8 octobre, alors qu’aucun soldat israélien n’avait encore mis les pieds dans Gaza, qu’un génocide était en cours à Ghaza (sic). Ce journal n’a parlé de la razzia du 7 octobre que trois jours plus tard, comme d’une invention de la propagande occidentale. NB : le FLN, parti au pouvoir en Algérie depuis soixante ans, a une branche dédiée à l’animation (l’agitation ? La manipulation ?) de la jeunesse de la diaspora. 4) il présente à un endroit l’Egypte comme héritière des pharaons. Non, les descendants des constructeurs de pyramides sont les Coptes, minoritaires en Égypte depuis l’invasion de l’Afrique du Nord par les Arabes - une colonisation exemplaire, puisqu’elle a tenu treize siècles, un modèle mondial. 5)L’auteur ne met pas en perspective l’actuel mouvement dans les universités occidentales et ceux qu’elles ont connus entre 1968 et 1975, pour une révolte floue d’abord puis dirigée contre la guerre du Vietnam. Jamais on n’a vu alors quiconque arracher des photos d’enfants enlevés ; jamais on n’a vu quiconque élever ses mains rougies pour symboliser le sang de quiconque (symbole que j’ai retrouvé sur des photos de calicots portés par des manifestants islamistes à Hambourg en juin, qui réclamaient le Kalifat comme solution à la « dictature de la pensée unique » qui régirait l’Allemagne.) Tandis que quelques pages sont hors-sujet : 1) Situation des « banlieues » de France. (Et lier les trafics de drogues aux difficultés d’accès à l’emploi (p. 144) n’est pas convaincant. Il faut prendre en compte l’effet « zone de confort » de sa cité de naissance, antinomique de la recherche d’un emploi.) 2)Emeutes de juin 2023 en France. (Et le modèle et la couleur (p. 156) de la voiture conduite par Nahel Merzouk comptent peu. Louer une voiture en Pologne est un moyen connu d’utiliser de l’argent sale, c’est cela qui compte.)