Le chemin de sel : Le livre de Raynor Winn

« Nous ne nous dirigions vers aucun futur, ce n’était pas un nouveau départ où la vie se serait ouverte devant nous. La terre s’était fendu sous nos pieds nous laissant au bord d’un abîme que nous n’aurions jamais pu franchir. Fuyant le spectacle d’une coquille brisée comme si ce n’était pas la nôtre. Nous partions, c’est tout. » Suffit-il, justement, d’avoir tout perdu (maison, argent, santé) pour se décider à partir sur les routes, tels des vagabonds modernes? Raynor Winn et son mari Moth, acculés à la faillite à la suite d’un procès, n’entrevoient que cette ultime sortie, un baroud d’honneur à la justice des hommes. On n’apprendra pas grand-chose sur cette perte financière, mais là n’est pas le propos. Le couple qui s’engage sur le sentier de la Côte Sud-Ouest de l’Angleterre, sac au dos, espère, par cette coupure nette avec la société, refaire le plein d’énergie et penser autrement une vie à reconstruire. Renforcés par leurs trente-deux années de vie commune, Raynor et Moth se soudent encore davantage durant cette randonnée à camper sous les étoiles. C’est un très beau récit ponctué de descriptions de paysages grandioses, de rencontres inédites et touchantes. L’amour inconditionnel que se portent Raynor et Moth traverse les pages et vient toucher au coeur le lecteur. J’ai fait le sentier virtuellement avec eux, m’imprégnant de leurs doutes, de leurs courbatures et de la force de leur équipe. Inspirant, tout simplement!

Etant une grande adepte de la nature, de la randonnée et de la marche et toujours intéressée par les histoires de vie, je savais que ce récit avait tout pour me plaire et m'embarquer. Et en effet, je n'ai pas pu le lâcher ! Raynor et Moth démarrent ce long sentier côtier non pas par choix ou amour de la marche mais par nécessité tant ils sont acculés par la vie. Se retrouvant SDF, ils n'ont d'autres solutions que de marcher et camper sur ce chemin. Les malheurs qui s'abattent sur eux sont très nombreux (perte de leur maison, plus d'argent, maladie dégénérative). Pour autant, nous n'assistons pas à l'histoire de deux personnes qui se lamentent sur le sort. Ni au contraire, à un roman où tout trouverait une solution par miracle. Ce que j'ai aimé dans ce récit est la sincérité qu'on y trouve, on y vit les péripéties, les espoirs et les doutes des personnages, mais tout est crédible et parait réel et mesuré. Les événements et les personnes rencontrées ne sont ni idéalisés ni aggravés. Le récit est souvent mené avec une touche d'humour, ce qui rend les personnages encore plus attachants. J'ai aimé la description de ce sentier, son aspect, sa flore, sa météo. J'ai aimé le côté carnet de randonneurs où on découvre le concret et la réalité d'une longue marche. J'ai aimé les personnages et leurs sens nuancés de l'optimisme et du pessimisme. Des réelles questions sont traitées sur le sujet des sans-abris, de leur traitement et de leur perception par les autres. On réfléchit aussi sur le sens de la vie et celui qu'on veut donner à la sienne, ainsi que sur l'aspect thérapeutique de la marche et de la nature ou des projets qu'on met en place ou qu'on lâche pour aller bien ou mieux.