Le printemps reviendra : Le livre de Nour Malowé

Une lecture saisissante. J'ai mis un peu de temps à écrire mon ressenti après les émotions ressenties à la lecture de ce livre. Si ce témoignage n'est pas réel les "Marwa" elles le sont bien. Ces femmes qui avaient connus les talibans et qui ont ensuite connu la paix. Ces femmes qui ont connu la liberté qui ont connu les projets qui ont connu l'envie de vivre. Ces femmes avec des idéaux et des carrières qui ont vu tout cela être détruit à l'été 2021. J'ai souffert avec Marwa de voir sa vie partir en fumée. De voir l'avenir de ses enfants de brouiller. Je l'ai aussi trouvée admirable dans sa dignité de vouloir se battre jusqu'au bout. J'ai été notamment marquée par la scène [masquer]où elle demande à sa fille de remettre sa burqa car elle n'en a pas la force elle même[/masquer] et globalement tout ce qu'elle projette sur cette fille qu'elle ne peut pas aider ni protéger de l'avenir. Sur sa fille et ses enfants j'ai trouvé vraiment poignant les regrets exprimés sur le fait d'être devenue mère. Ce récit rappelle aussi les promesses des talibans "nous avons changé" et la complicité des gouvernements occidentaux qui considéraient qu'il fallait leur laisser une chance. Difficile de ne pas grincer des dents en regardant l'évolution de la situation des femmes afghanes depuis 4 ans. Merci à Nour Malawé pour ce livre. Il est urgent et essentiel de faire entendre la voix des femmes afghanes et de parler de leur vie.

Nour Malowé nous emmène en Afghanistan à la rencontre d'une femme chirurgienne, mère de 3 enfants et épouse heureuse. Mais ce bonheur est sur le point de vaciller car les talibans se préparent à revenir au pouvoir. Nous sommes en août 2021 et les troupes américaines quittent l'Afghanistan, laissant le champ libre à "ceux qui reviennent", ces hommes qui attendaient dans l'ombre prêts à reprendre les armes, le pouvoir et la liberté des femmes. Marwa est un personnage extrêmement touchant et attachant. C'est une femme dévouée à sa famille, à ses patients. Elle sauve des vies et bientôt on lui volera la sienne. C'est un roman bouleversant, qui nous immisce dans le quotidien d'une femme, qui pourrait être vous, moi, si elle ne vivait pas dans un pays gouverné par des intégristes religieux. J'ai été émue aux larmes par ce livre qui insuffle malgré tout une lueur d'espoir. À lire absolument !

Je ne connais pas ce pays, encore moins ses habitants. Je ne connais pas ces humains qui habitent trop loin. Je ne les entrevois qu'au détour de l'actualité, celle qui parvient jusqu'à moi. Sanglante, giclante, tuante, dérangeante. Extrémiste. J'ai souvent envie de crier, incapable de m'identifier, lointaine et remplie d'oublis ciblés. Je ne veux pas voir, car je ne sais pas, lamentable sans doute, mais surtout tellement impuissante. Sans compassion. Car que peut-on faire contre la guerre, les morts, le sang et les pleurs ? Est-ce qu'on a le droit de se référer à soi dans ces conditions-là ? Faire comme Marwa, cette femme chirurgienne qui a connu la liberté il y a 20 ans, qui entrevoit le futur qui s'en vient rempli d'"horreurs desséchantes et sans espoir". Quelle est la solution ? La fuite vers l'indignité et l' anonymat ? La Révolution larvée et meurtrière ? Ou bien la résignation ? Découvrez le quotidien de Marwa et de sa famille, durant ces deux mois de transition. Découvrez son combat éperdu pour les femmes, pour préserver l'humanité et la liberté. Découvrez ce récit poignant au travers des mots de @malowe_nour qui à coup de fulgurances poétiques explore les vécus "trashs", indescriptibles, inadmissibles de l'Histoire dont nous faisons tout.e.s partie. Le printemps reviendra ... mais à quel prix ?

°°° Rentrée littéraire 2024 #42 °°° Ce magnifique roman décrit les interminables jours qui ont précédé la chute de Kaboul le 15 août 2021, encerclée puis prise par les Talibans suite à leur offensive lancée en mai dans la foulée de l'annonce du retrait des forces américaines. Nour Malowé ne joue donc pas sur un faux suspense, on sait que les Talibans retrouvent le pouvoir vingt après en avoir été chassés ; on sait les atrocités qu'ils ont commises ; on sait la tragédie que constitue leur retour pour les Afghanes, privées de leurs droits civils les plus fondamentaux et assignées aux mariages forcées et précoces, aux viols conjugaux sans aucune échappatoire possible. le seul suspense qui étreint le lecteur est celui du devenir de la famille de la famille de Marwa, avec le compte à rebours inexorablement égrené au fil des chapitres et des défaites de l'armée nationale énumérées à la radio. Marwa, on l'aime immédiatement. L'autrice compose un de ces portraits féminins inoubliables, avec un sens de l'empathie et de la délicatesse absolument remarquable. Marwa, la petite cinquantaine, est chirurgienne à l'hôpital de Kaboul, une héroïne « ordinaire » prise dans la feu de l'Histoire, à laquelle il est très facile de s'identifier : professionnelle respectée, mère aimante de trois grands enfants, épouse toujours de l'odeur de son mari qui sent le tilleul et le citron, féministe avant tout qui chérit sa liberté. Les chapitres égrènent les jours qui passent jusqu'à l'échéance irrémédiable de la chute de Kaboul. On est plongé dans la psyché de Marwa, au plus près de ses émotions qui évoluent au fil des mauvaises nouvelles : la colère de voir l'avenir de ses enfants détruits ; l'effroi d'apprendre que les Talibans exigent les listes des filles pubères pour les marier de force aux combattants, ou coupent les oreilles musiciens ; l'esprit de résistance malgré tout … avec un dilemme questionnant la survie, fuir ou rester. Le sujet est archi casse-gueule car justement, cette émotion, forcément très présente face à des enjeux aussi existentiels, pourrait engloutir toute la narration par un pathos décomplexé. La maitrise de Nour Malowé n'est en que plus frappante. Par la délicatesse de son regard et la sensibilité de ses mots, elle parvient à dégoupiller toutes les situations potentiellement épineuses. J'ai particulièrement apprécié son attention aux détails éloquents. Comme lors de cette scène où Marwa s'est laquée les ongles pour la première fois de sa vie, initialement comme un défi à « ceux qui viennent » ; au final cet anodin vernis à ongle sert de révélateur pour démasquer le promis de sa fille, soutien des Talibans : « Elle entre dans le salon. Ses fils ne remarquent rien. Marwa a le sentiment d'avoir accompli quelque chose à la portée colossale. Elle s'assoit en retrait, mais dans le salon quand même. Elle occupe sa place à table. Soudain Shafiquillah s'intéresse à elle. Il suffit d'un instant. Il voit le vernis. le regard du garçon se ternit. Il ne contrôle pas l'expression de son visage. Cette impression de dégoutation pollue l'enfance qui lui restait. Marwa constate. le remugle de la peur surgit. Pourtant, Marwa ne tremble pas, ne bouge pas, ne dit rien. Elle constate. Shafiquillah et elle se contemplent. Une seconde. Et cette seconde raconte tout. L'éloquence est là et elle ne se discutera plus. Marwa prend cela pour un condensé d'avenir. (...) Quand Shafiquillah se dénude de son costume social, la vérité apparaît, venimeuse. » Oui, mes yeux se sont souvent embués, mais jamais mes larmes n'ont été putassièrement provoquées. Jamais, surtout, les personnages de Marwa, de son mari, de ses deux fils, de sa fille, ne sont présentés comme de pauvres victimes qu'il faudrait plaindre. Au contraire, le roman les présente comme des êtres agissant et pensant, des êtres qui restent dignes et capables de choisir leur destin, seuls face à eux-mêmes, dans la mort, dans la résistance ou la survie. «  Shor ( la fille de Marwa ) remonte les marches. Elle part en migration au-dedans d'elle-même et attend l'éclosion des beaux jours. Dehors, ceux qui sont là tueront une hirondelle mais à la belle saison suivante, les hirondelles reviendront. » Une réussite conclue par une fin à la fois lumineuse et bouleversante. Un roman marquant.