L'Epaisseur de l'aube : Le livre de Nicolas Garma-Berman

Après “La fille aux plumes de poussière”, au style envolé qui se savourait comme on laisse fondre un bonbon acidulé en bouche, Nicolas Garma-Berman revient avec “L’épaisseur de l’aube”, un drame familial où deux frères brossent leur portrait mutuel, celui de leurs vies respectives et celui des absents (d’une façon ou d’une autre). C’est éminemment touchant, très poétique et incroyablement musical (beaucoup de titres sont évoqués). On tangue de l’Ecosse à la Suisse, on se laisse bercer par la douce mélopée de Garma-Berman qui nous raconte la fraternité, les non-dits, la vie. Avec ce roman, le deuxième de l’auteur, on sent un style plus affirmé comme s’il prenait lui aussi la mesure de son talent à raconter des histoires: je ne peux qu’être impatiente de côtoyer une nouvelle fois sa plume.

C'est un beau livre, sensible, touchant ,sans sombrer dans la noirceur. L'auteur explore comment fait l'homme avec sa mémoire et ses souvenirs de l'enfance à la vieillesse.Roy et Ness essaient de se construire à partir de souvenirs d'enfant émaillés de non-dits et tel un puzzle ,avec les années ,les faits vont se remettre en place .A travers le personnage du père et grand-père, c'est la mémoire qui défaille , les raisons ici en sont multiples , ce peut être une protection pour mettre à l'écart des pans du passé. C'est un récit sur la séparation , sur la perte et le deuil également.Séparation avec l'Ecosse d'abord , à la disparition de leur mère Isla, les deux frères Roy et David dit Ness ( comme le Lochness) , encore jeunes enfants, partent avec leur père s'installer à Genève. Cette séparation géographique n'est-elle pas un leurre? Puis il y a le drame à nouveau, la perte d'Emily , encore gamine, fille de Roy et d'Elskie. Cette tragédie liée à l'eau , une fois de plus, plonge Roy dans une espèce de folie, de déni de la mort et il survivra peut-être grâce à ses visions , à ce monde imaginaire qu'il se crée dans une grande confusion pour faire face à sa douleur. La relation très forte qui lie les deux frères Roy et Ness est d'une grande beauté .Ness, le cadet, face au deuil qui le touche également beaucoup, joue le rôle d'un garde fou.

Voilà un beau roman original. Une histoire de fantômes ? Possiblement. Nos deux frères décident de partir ensemble retrouver la femme de l'un des deux. Au fur et à mesure, c'est l'un ou l'autre qui nous raconte leur vie, leur parent, le métier de musicien de l'un, de journaliste de l'autre. Et puis le décès de la mère, puis la perte d'un enfant. Nos héros deviennent-ils fous à force de rencontrer leurs fantômes. Imaginez quand la moitié de l'histoire est racontée par les vivants, l'autre moitié par lesdits fantômes. Et si, en plus, certaines chansons des Beatles faisaient partie intégrante de la trame, comme écrites pour cette histoire, ou l'inverse ! L'écriture est belle, presque poétique, presque conte. Leur voyage familial, leur retour dans leur Ecosse natale, n'est pas toujours simple à suivre entre réalité et onirisme mais ça vaut le coup