Les 13 mystères : Le livre de Georges Simenon

LE DÉNOMMÉ POPAUL Cela fait deux mois que les lettres qui partent d'un village, proche de Saint-Amand, arrivent décachetées à leurs destinataires, portant des messages singuliers signés par un dénommé « Popaul ». Toutefois, les billets écrits par ce mystérieux « corbeau » ne comportent jamais de mentions ordurières ou immorales mais relèvent plutôt de la facétie. Rien de bien méchant, à priori, il ne reste donc plus qu'à découvrir l'identité du farceur et c'est là que l'affaire se corse, d'autant que la méthode employée pour récupérer et ouvrir le courrier laisse les enquêteurs perplexes. Une enquête de proximité sera menée autour des habitants du village, les employés de la Poste seront d'emblée innocentés et les soupçons vont très vite s'orienter vers Oscar Marinier, un rentier célibataire, propriétaire d'une épicerie à Moulins qu'il continue à diriger par correspondance… Cette courte nouvelle est bien différente des précédentes. A la faveur d'une plume ironique, Georges Simenon dresse le portrait d'un auteur de lettres anonymes au profil atypique dont les forfaits relèvent davantage de la galéjade d'écolier plutôt que de l'acte délictueux. « Si tu continues à vendre ton lait trente sous, j'irai te tirer la nuit par les pieds. Popaul » : le récit comporte quelques messages du même acabit qui prêtent à sourire. Pour compliquer davantage la résolution de cette énigme, le romancier s'attache à semer le doute dans notre esprit, passant en revue les potentiels suspects parmi les habitants du village, afin de mieux les innocenter par la suite. Il nous révèlera, au final, que les pratiques ingénieuses utilisées par le fameux « corbeau-farceur » pour ouvrir les lettres et y insérer les messages malicieux, n'étaient en fait qu'un simple passe-temps destiné à meubler des journées ennuyeuses et dénuées de plaisir.

LE VOL DU LYCEE DE B... 2380,25 francs ont été dérobés, lors d'un cambriolage au lycée de B…, une petite ville du Midi. Aussitôt la police locale envoie ses plus fins limiers pour enquêter ; et très rapidement, les soupçons s'orientent vers Henry Majorel, le surveillant général de l'établissement scolaire. M. Grosclaude, le recteur du lycée semble suspicieux à l'égard du surveillant, sans pourtant qu'aucun indice tangible ne viennent étayer la culpabilité de l'intéressé dans ce vol. Sans preuve, ni mobile apparent, le coupable est pourtant tout désigné et son nom fait déjà la une de la presse locale… Cette courte nouvelle est un véritable pied de nez aux bien-pensants et Georges Simenon n'y va pas avec le dos de la cuillère pour se moquer de la police et des on-dit. Encore une fois, il nous fait toucher du doigt la bêtise humaine par le biais de son éminent inspecteur en herbe, Joseph Leborgne, lequel est doté d'une clairvoyance qui dépasse l'entendement. Et nous voici entraînés dans une histoire qui n'en est pas une et qui se révèle être, en fait, une simple galéjade enfantine sans conséquence. Mais pour démêler le vrai du faux, il faut tout de même se lever de bonne heure ! Mais ça, c'est tout l'art du romancier qui adore jouer avec ses lecteurs, en les baladant dans un labyrinthe d'indices, tous plus invraisemblables les uns que les autres… Chapeau bas M. Simenon !

LE MORT INVRAISEMBLABLE Le corps sans vie d'Edmond Dortu est découvert dans sa maison. Cet homme, d'humeur joviale, était âgé de 47 ans et propriétaire d'un vignoble. Il s'était retiré à Langon, à 50 kms de Bordeaux, après avoir mené une carrière de planteur dans les colonies et il devait épouser une demoiselle Pécheroux. Des témoins auraient aperçu trois hommes se diriger vers le jardin attenant à la maison d'où ils en seraient repartis un quart d'heure plus tard… L'autopsie n'a révélé ni blessures apparentes, ni présence de poison dans son organisme, ni maladies particulières pouvant être à l'origine du décès. Cependant, la maison a bel et bien été visitée puisque des meubles ont été fouillés et des objets de valeur ont disparu. le vol est donc bien le mobile de cette mystérieuse mort qui ne semble pourtant pas être un crime. Cette affaire semble bien étrange pour des enquêteurs néophytes ! Etrange… pas pour tout le monde et surtout pas pour Joseph Leborgne, notre fin limier, que Georges Simenon met en scène dans une nouveau récit aussi palpitant que les précédents. Cette fois-ci, outre le dossier contenant des coupures de journaux relatant l'affaire, nous ne possédons qu'une simple photographie représentant le mort assis, la tête penchée sur son bureau, avec une simple égratignure à la tempe, cette dernière n'ayant pu entraîner la mort selon le médecin légiste. Aucun autre indice n'a été relevé mis à part la disparition de bijoux et de valeurs appartenant au très richissime viticulteur. le romancier est décidément très imaginatif dans la construction de cette brève nouvelle, et en quatre pages il résume parfaitement une affaire qui aurait dû mettre plusieurs mois avant d'être résolue. Comme à chaque fois, il nous tend des pièges et nous perd dans un labyrinthe de pistes avant d'élucider cette enquête en un claquement de doigts, pour finalement nous dire que la peur est mauvaise conseillère !

LE DOSSIER N° 16 Germain Paumelle, un grand producteur de sel à Fécamp, meurt d'un empoisonnement à la strychnine. Agé de 52 ans, cet ancien « poilu » de la Grande Guerre a épousé, en secondes noces, Juliette, une jeune femme de quinze ans sa cadette. Or, et c'est de notoriété publique, le couple bat de l'aile depuis que Juliette a pris un amant. Il s'agit d'Edgard Dorchain, 25 ans, le fils d'un armateur bien connu de la ville. Germain a eu un fils d'un premier mariage, il se prénomme Léon, il a 18 ans et est amoureux de sa belle-mère. de son côté, Germain est de santé fragile en raison d'une blessure de guerre incurable, et il dispose d'une fortune qui approche le million de francs. Si le mobile du crime semble évident, qui est le coupable ? Cette fois-ci, Georges Simenon nous entraîne dans un huis clos familial et prend un malin plaisir à brouiller les pistes pour mieux nous perdre dans un embrouillamini de mobiles et d'indices, tous plus ou moins tangibles. Comme d'habitude, son personnage « phare », Joseph Leborgne nous laisse mener l'enquête, mais cette fois-ci il adopte une manière désinvolte : les affaires d'empoisonnement étant pour lui peu ragoûtantes et « d'un morne à faire pleurer ». Ne cachant pas notre plaisir, nous compulsons donc « le dossier N° 16 » contenant des extraits de journaux de Fécamp relatant l'homicide. Et si, pour notre fin limier, la résolution de cette enquête ne fut qu'un jeu d'enfants, elle parut bien plus laborieuse, pour de simples lecteurs, novices en matière criminelle. Et dans ce court récit, le romancier surpasse son talent de psychologue en nous révélant de nouveaux mystères sur les comportements humains et le machiavélisme de certains individus qui pour se venger utilisent des subterfuges insensés… et de l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas !