LETTRE A MON JUGE : Le livre de Georges Simenon

C’est le premier roman de Simenon que j’ai lu donc je n’ai pas vraiment de compréhension de son œuvre, de ses thèmes ou de son style d’écriture mais j’ai trouvé sa prose très agréable à lire mais l’histoire en elle-même ne m’a pas vraiment plue. Les histoires avec de la violence domestique ne sont pas vraiment ma tasse de thé mais je m’interroge sur le sens de l’histoire avec cet homme qui écrit à son juge pour essayer d’expliquer qu’il n’est pas fou et le pourquoi du comment il en est arrivé à son crime - et le côté assez ouvert du dénouement me laisse à ma réflexion.

Un de mes livres préférés de Simenon. Un condamné écrit une lettre au juge qui s'occupe de son affaire. On y trouve les thèmes de prédilection de l'auteur, notamment l'évolution d'un personnage entre la paysannerie et la bourgeoisie de province. Il décrit chez les parents du narrateur une violence, une relation de domination dont celui-ci ne parviendra jamais tout à fait à s'abstraire, malgré un passage de sa vie dans l'univers feutré d'un médecin bien installé dans sa ville. On sent que Simenon a pris du temps pour certains passages, comme la rencontre du narrateur avec une fille de Caen qui sont d'une grande poésie. Pourtant, petit à petit, le livre entraîne le lecteur vers les côtés les plus sombres du narrateur et l'oeuvre évolue vers ce que Simenon appelait un de ses "romans durs", livres qui lui coûtait beaucoup en énergie et qui le marquaient tout au long de leur écriture. La fin est très sombre, sans doute datée dans ce qu'elle montre de ce que pouvait être les pires relations de couple, il y a un siècle à peu près. Un grand livre, mais qui ne laisse pas indemne!

La cause est entendue : crime passionnel. Charles Alavoine, respectable médecin de La Roche-sur-Yon, assassin de Martine Englebert, sa maîtresse, est en prison. Mais au-delà du verdict, il reste la vérité humaine... Dans cette longue lettre au juge, peu après sa condamnation, Alavoine retrace les étapes du chemin qui l'a conduit au meurtre... Un meurtrier se confesse par écrit à son juge. Non pour se justifier mais pour comprendre comment un homme jaloux du passé de celle qu'il aime en est venu à l'étrangler. Haletant comme une enquête, sauf qu'il n'y a pas d'enquête... Le narrateur ressent profondément son extraction d'un milieu modeste, malgré sa situation de médecin, membre des professions libérales et même de « l'intelligentsia ». Il ressent particulièrement ce décalage vis-à-vis de sa seconde épouse qui a toute la distinction, le goût, les manières qui lui manquent.

Dans cet opus, Georges Simenon entre dans la peau de Charles Alavoine pour tenter d'expliquer les mécanismes psychologiques complexes qui ont poussé ce médecin respectable à commettre l'irréparable. A la faveur d'un très long monologue présenté sous forme d'une lettre, le romancier s'emploie à expliquer les causes ayant provoqué la descente aux enfers d'un homme contraint de vivre sous la férule de sa mère puis la domination de sa seconde épouse. L'intérêt pour ce récit croît au fil des pages, et l'on ressent en permanence une ambivalence des sentiments, entre la pitié pour l'homme dont les facultés mentales ont été profondément altérées par des souffrances morales à répétition et la sévérité pour le coupable n'ayant pas su maîtriser son subconscient lui intimant l'ordre de tuer. L'intrigue est bien menée et développe un suspense passionnant centré autour de la montée en puissance d'une folie meurtrière qui atteindra son paroxysme à la fin du roman et conduira au drame dans un épilogue inattendu. Un très bon Simenon !