L'Expédition de l'espoir : Le livre de Javier Moro

Agréable surprise que ce roman choisi plutôt par hasard dans ma médiathèque. Tiré d'une histoire vraie (comme le détaille l'auteur en épilogue de son ouvrage), la diffusion du vaccin contre la variole a été une aventure aussi bien sanitaire qu'humaine. Et c'est sûrement pour cela que cette histoire est si forte et si prenante. Nous sommes à la fin du 18ème siècle, et l'Espagne vit la fin de son Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. Le Trésor est au plus bas, la rigide Espagne a du mal à canaliser les velléités d'autonomie de nombre de ses territoires américains, ce dont quelques vice-rois profitent. La concurrence des jeunes Etats Unis commence aussi à faire de l'ombre au roi Carlos IV. De fait, pour redorer son blason et protéger les populations indigènes qu'il exploite pour la richesse de l'Espagne, il autorise et subventionne cette expédition incroyable : diffuser le vaccin contre la variole, maladie contagieuse qui décime des villages entiers. Le roman raconte donc l'expédition elle-même, avec ses trajets en bateau, longs et risqués ; l'accueil qu'elle reçoit dans les différentes régions traversées, tantôt festif, tantôt mitigé pour ne pas dire hostile ; sa réussite finale au bout de quelques années laborieuses. Mais cette expédition ne serait rien sans les personnages qui la compose. Nous avons Isabel, jeune adolescente très pauvre de Galice, qui grâce au peu d'éducation que sa mère lui a fait donner par le curé local (elle sait lire, écrire et compter), sera placée domestique dans une famille chaleureuse et bienveillante. Celle-ci lui permettra de devenir directrice d'un hôpital et d'embarquer dans l'expédition, en charge des enfants. Mais elle est bien plus que cela, elle est l'âme de ce périple, celle vers qui on se tourne quand on est désespéré, celle qui arrondit les angles quand le pouvoir local met en doute la vaccination, celle qui apaise les tensions entre les enfants. Isabel cale sa conduite sur ce que lui dit son coeur, pour le bien-être de tous. Et puis nous avons Balmis et Salvany, docteurs tous les deux mais si différents. Quand Balmis avance tel un buldozzer pour vacciner à tout va et compte bien avoir recevoir la gloire qu'il mérite, Salvany reste diplomate pour convaincre avant de vaincre, heureux de rendre heureux. Leur caractère finira par les éloigner, et l'expédition vacillera sans tomber. Les enfants étant consacrés vecteur de la variole, ils jouent un rôle majeur dans cette aventure. Le casse-tête incroyable d'avoir toujours quelques enfants porteurs pour pouvoir inoculer la maladie aux suivants lors de la prochaine étape est l'enjeu principal et l'objet de toutes les attentions (eh oui, pas de glacière pour transporter les vaccins en 1803...!). La chaine ne doit pas se briser et on reste éberlué par l'inventivité des responsables de l'expédition pour obtenir des volontaires. La logistique existait déjà sans connaitre son nom !! J'ai également beaucoup appris de l'histoire espagnole sur le continent européen, mais aussi sur le continent américain. Les vice-rois nommés par Carlos IV ont des profils variés, allant du fidèle avec la main sur le cœur, au profiteur sans vergogne qui fait ce qu'il veut à des milliers de kilomètres de la mère patrie. Le rôle de l'Eglise sera aussi primordial pour la diffusion du vaccin, et j'ai été agréablement surprise par sa position très ouverte sur le sujet. Elle sera globalement favorable à la vaccination, voyant là un bénéfice pour les populations locales, indigènes souvent pauvres et sensibles à la moindre maladie. Je ressors enchantée de ma lecture. Une histoire relatant des faits réels, une aventure à travers différents continents, des personnages forts et attachants, des sentiments : tout était réuni pour me plaire, et ça a marché !