L'homme de Londres : Le livre de Georges Simenon

L’homme de Londres fait partie de la série des romans durs de George Simenon, un livre dans lequel il explore un peu plus les complexités de la psyché humaine. Louis Maloin est aiguilleur de nuit à la gare maritime de Dieppe. Depuis sa cabine de verre, située à plusieurs mètres de hauteur, il peut observer la ville et la vie nocturne. Une nuit, il est témoin d’une rixe entre deux hommes qu’il avait déjà remarqué la veille lors de leur arrivée mais sans s’y attarder. Abasourdi, il réalise qu’il est en train d’assister à un meurtre mais ne réagit pas. Il retient juste l’image de ce corps et d’une mallette qui tombent à l’eau. Sans pouvoir se l’expliquer, il prend la décision quelques heures plus tard d’aller repêcher la valise qui se révèle emplie de billets. Cette décision va bouleverser sa vie, lui faisant connaître les affres de la culpabilité, changeant ses habitudes, lui l’homme tranquille. Cet argent d’ailleurs, il n’y touche pas mais il lui brûle les doigts et c’est l’argent du ménage, péniblement économisé, qu’il vient à dépenser. Une révolte commence à le consumer de l’intérieur sur l’injustice de sa condition précaire, sur l’exploitation de sa fille employée dans une boucherie aux plus misérables tâches, sur le respect qu’il estime ne pas avoir au sein de famille mais surtout de sa belle-famille. Mais une telle remise en cause personnelle et sociale, cela a un coût et Maloin ne pourra le supporter... Simenon a encore réussi à me surprendre. Il nous dresse le portrait d’un homme qui, par un coup du sort, voit le voile se lever sur ses aspirations les plus profondes, de réussite et de reconnaissance, pour se trouver ensuite dépassé par les évènements, prenant inéluctablement les mauvaises décisions. C’est un roman noir sur la terrible puissance de la fatalité, celle qui soumet, quelles que soient les circonstances et la volonté. Qu’il s’agisse de Maloin ou de Brown, leurs destins sont tracés et les deux seront tragiques. L’un, droit et honnête, l’autre, perdu et voleur, et pourtant, ils sont si proches. On ne s’extrait pas si facilement de sa condition, que l’on soit de Dieppe ou de Newhaven. À désirer s’extraire de l’humiliation sociale, on peut y perdre la vie ou son âme...

M. Brown, l’homme de Londres, a rapporté une valise contenant cinq cent quarante mille francs mais il tue Teddy, son complice, pour ne pas partager. Aiguilleur à la gare maritime de Dieppe, Louis Maloin est témoin du meurtre et démasqué par l’assassin. Peu de temps après, il fait main basse sur la mallette contenant l’argent. Georges Simenon plonge dans les mécanismes complexes de la pensée d’un homme partagé entre la peur et la cupidité. Ce roman très psychologique tente d’expliquer comment, en ressassant des pensées toxiques, un être humain peut être conduit à commettre un acte criminel sans préméditation. Aussi tortueux et long que le cheminement de pensée de Louis Maloin, le récit n’en est pas moins talentueusement construit autour d’un suspense qui s’accentue vers la fin du roman. Un grand Simenon !