Marlène Dietrich : Le livre de Jean-Paul Bled

On a le droit de se détendre après tout. C'est sans doute la raison pour laquelle Jean-Paul Bled, professeur émérite d'histoire germanique à la Sorbonne, agrégé et docteur, brillant biographe de personnalités assez austères (remarquables biographies de Bismarck ou de François-Joseph) s'est attelé à un sujet plus léger en apparence du moins, une biographie de Marlène Dietrich. Je l'ai lue avec grand plaisir. Excellent biographe, l'auteur raconte très bien, utilise des sources solides. Il y a des notes en bas de page et tout et tout. Il parvient même à dissimuler ses opinions très réactionnaires que j'ai apprises par la notice qui lui est consacrée sur Babelio. Il est donc fort. Et puis la vie de Marlène Dietrich, berlinoise pur sucre (née et d'ailleurs enterrée à Berlin), est particulièrement riche et romanesque. Une vie menée sur plusieurs pays, de l'Allemagne à Los Angeles puis à Paris, avenue Montaigne s'il vous plait…En face du Plazza-Athénée, rien d'étonnant pour une femme chez qui le luxe était une seconde nature. Des histoires d'amours en pagaille de son pygmalion Josef von Sternberg à Jean Gabin, d'Erich Maria Remarque le formidable auteur d'A l'ouest rien de nouveau à Yul Brunner en passant par Edith Piaf. Il y surtout l'actrice du muet, puis de chefs d'oeuvre du parlant (Ange bleu, que je regrette de ne pas avoir vu) à la Scandaleuse de Berlin de Billy Wilder. Elle fut adulée, peu commode, particulièrement menteuse sur son existence (mieux vaut ne pas se fier à ses mémoires, largement falsifiés par elle-même pour servir ce qui semblait être son but principal dans la vie, soigner sa légende). Elle s'engagea aux côtés des alliés de manière splendide et reçu de belles médailles. Je recommande donc ce livre, même si j'ai quelques réserves. On y trouve quelques petites coquilles mais qui n'entravent pas la lecture. Plus embêtant, des notes en bas de page certes, mais les sources sont parfois étonnantes. C'est rare de voir un agrégé de la Sorbonne citer Henri-Jean Servat, ce qui m'avait donné envie de titrer Voici à la Sorbonne mais cela n'aurait pas non plus reflété mon avis. Dommage que ce grand spécialiste de l'histoire allemande ne rentre pas davantage dans les détails sur ce plan (une incroyable histoire dans laquelle elle laisse à la porte un envoyé de Goebbels auraient pu être approfondie), et que ce passionné de cinéma, certes, se limite à des références limitées. le dictionnaire du cinéma de son collègue à Paris-IV Jean Tulard, c'est pas mal, mais on doit pouvoir trouver plus pointu en matière d'histoire du cinéma et d'analyse filmique. Reste une biographie d'une femme fascinante à défaut d'être très sympathique, un plaisir de lecture recommandable donc ! Toutefois à la lumière de sa bio, très réac, je comprends mieux que l'auteur ne soit pas allé plus loin sur les questions de genre et de sexualité féminine peu présentes dans son univers culturel.