Mrs Dalloway : Le livre de Virginia Woolf

Mrs Dalloway Virginia Woolf (1882-1941) 1923 à Londres : Clarissa Dalloway, femme de la haute bourgeoisie, âgée de cinquante -deux ans, par une belle matinée d’été déambule dans la ville en quête de fleurs pour décorer la soirée de fête qu’elle organise chez elle pour son mari. Livrée à la légèreté et au bonheur, cette paisible et euphorique promenade la transporte et la baigne dans une douce rêverie suscitée par tout ce qui l’entoure et lui fait par instants remonter le cours du temps. Des myriades de sensations affluent et elle songe aux moments où sa vie a basculé alors qu’elle était sur le point d’épouser Peter Walsh et que finalement elle a choisi Richard Dalloway. Rentrée au domaine pour préparer la soirée, elle reçoit justement la visite impromptue de Peter et alors le passé ressurgit par vagues dans l’esprit de Clarissa qui s’interroge secrètement sur son choix de jadis. Pourquoi n’a-t-elle pas épousé cet homme qu’elle aimait, un homme plein de dons qui aurait pu faire son chemin sans toutes les histoires de femmes qu’il connut par la suite ? Clarissa est un personnage composite et il lui arrive encore de céder au charme d’une femme. Elle connut dans sa jeunesse une passion avec une certaine Sally… Clarissa aime voir son visage dans un miroir et parler avec elle-même… Aujourd’hui elle a une fille de dix-sept ans, une beauté qui fait tourner les têtes et complote avec Miss Kilman, sa préceptrice et sorte de femme de chambre de Clarissa avec qui elle a une relation conflictuelle permanente. Plus loin on fait connaissance de nombreux autres londoniens amis de la famille, dont Septimus Warren Smith et sa femme Lucrezia. C’est un ancien militaire revenu du front et qui souffre de troubles psychiques et a voulu se défenestrer quand les médecins ont cherché à le faire interner. Clarissa est bouleversée quand plus tard elle apprend cette nouvelle. Le suicide, c’est une idée qui lui trotte parfois dans l’esprit et que seule la présence rassurante de Richard a empêché qu’elle se concrétisât. C’est un roman du temps vécu que nous propose ici Virginia Woolf et les voix et les époques s’entremêlent comme c‘est souvent le cas dans notre mémoire. La récente guerre est en toile de fond et les douleurs des disparitions ne sont pas étrangères à certains accès de folies. Et le retour au présent est toujours une bénédiction : vivre l’instant présent, c’est cela la vérité le temps vulnéraire, le bonheur. Ce roman est aussi une fresque de la vie londonienne toujours rythmée par Big Ben, à une époque de conventions héritées de la société victorienne. Quant au style, il faut bien suivre l’enchaînement des pensées de Clarissa qui constitue l’essentiel du texte, une manière de flux de conscience écrit dans un style novateur. Ne cherchez pas une histoire dans ce roman, il n’y en a pas, il ne se passe absolument rien, ou alors que des histoires anciennes qui reviennent à la surface le temps d’une journée. L’attitude des personnages, des êtres souvent complexes, repose sur une exploration de leur intériorité, de leur subjectivité : ils s’interrogent constamment et les points de vue se chevauchent en une polyphonie parfois désarmante pour le lecteur. Paru en 1925, ce roman moderne, à la technique narrative innovante en un long monologue intérieur quasi constant, est difficultueux et abandonne complètement la façon réaliste et le développement linéaire qui prévaut chez Balzac par exemple. Se déroulant sur une journée, ce roman constitue une sorte d’expérimentation sur le temps lui-même : le style est haché tout en restant poétique, les phrases segmentées, la parataxe omniprésente, pour évoquer toute la vie de Clarissa, son enfance, ses premières amours, son mariage avec Richard et son attirance pour les femmes. Clarissa donne souvent l’impression d’être une femme forte qui dissimule ses sentiments, mais en fait au fil des pensées qu’elle confie, on entrevoit les failles d’une femme fragile et sensible, mystérieuse et délicate, notamment lorsque Peter Walsh, de retour des Indes, lui annonce son prochain remariage. En bref une œuvre complexe, écrite d’un seul bloc sans chapitre, à lire en prenant son temps sans se décourager, pour y découvrit quelques éclairs de génie, des pensées qui expliquent tout…En tout cas révolutionnaire pour l’époque, si bien que les critiques d’alors furent absolument déconcertés, perdus dans leurs repères ! Extrait : « Que vaut l’intelligence comparée au cœur, dit Lady Rosseter ? »

Coup de coeur ?

Trois étoiles et demi c’est peu pour ce qui relève très certainement du génie. Au moment de décider du nombre d’étoiles, j’ai en réalité été très embêtée. L’autrice a un talent énorme, l’écriture est presque magique. C’est beau, c’est étonnant, c’est vivant. Oui mais… il faut s’accrocher. Tout le monde n’a pas le génie de V. Woolf. J’ai vraiment voulu terminer ce livre, presque poussée par mon égo. Et j’ai craqué à la moitié. La lecture me demandait tellement d’efforts que je ne parvenais plus à y prendre aucun plaisir. Ce n’est pas que je ne comprenais pas le texte, c’est seulement que ça part dans tous les sens, et que mon esprit avait donc tendance à faire pareil. À chaque fin de paragraphe, je me rendais compte que je lisais en pensant à autre chose. Il n’y a pas vraiment d’intrigue, il ne se passe quasiment rien et pourtant il y a beaucoup d’informations, des descriptions, etc. On se retrouve dans la tête des personnages, les uns après les autres. C’est à la fois épatant et usant. S’agissant des thèmes abordés, ils sont assez variés : aristocratie britannique, amour déçu, folie, passé inoublié, et probablement une opposition entre la passion et la stabilité (je ne suis pas certaine qu’on y venait vraiment comme j’ai arrêté la lecture trop tôt). Les personnages ne sont pas particulièrement attachants. C’est peut-être aussi ce qui m’a manqué ici. Quoiqu’il en soit, essayez, ça vaut le coup d’œil !

Clarissa Dalloway, en apparence, est une mondaine bourgeoise préoccupée par la réussite de la soirée dans la perspective de servir Richard, un époux qu'elle considère plus qu'elle n'aime passionnément. La narration, par le flot des idées subjectives, montre qu'elle, comme les autre personnages, est traversée par l'amour, les regrets, la mort et la folie. Une brillante manière de montrer la profondeur de nos intériorités derrière la platitude de nos routines et conventions sociales.