Théâtre de l'opprimé : Le livre de Augusto Boal

Défi globe-trotteurs : Brésil. Défi non fiction 2024 Un essai qui a su retenir mon attention au sujet du "théâtre de l'opprimé", écrit par un dramaturge qui a pu mettre sa méthode en œuvre dans des pays d'Amérique Latine, y compris dans des bidonvilles (ex. à Lima). Il est agréable à lire et traite d'oppression, de rapport de force ainsi que de politique. Certes, la méthode proposée n'est pas révolutionnaire, mais c'est une répétition de la révolution. Le théâtre est, comme tout, éminemment politique et c'est une arme. Il sera, entre autres, question de son expérience au Pérou, où il effectue un parallèle avec l'alphabétisation. Il donne plusieurs exemples d'expériences, car un théâtre "populaire" ne peut être un spectacle achevé, c'est un essai, une répétition permanente. Sont proposés des exercices où l'on part du particulier pour aboutir au général. Les "spectateurs" (quel mot obscène !) suggèrent. On peut jouer des nouvelles de journaux, où des scènes de roman-photo dans une perspective critique (Boal a une dent contre les romans photos, abrutissants selon lui, et ce qu'il nous en dit nous fait être de son avis, au moins pour le scénario dont il parle). Je suis plutôt fascinée par la façon dont Boal traite de théories (ex. la superstructure) mais en trouve une application très concrète. Lorsqu'il évoque Aristote, il est tout aussi passionnant, d'une autre manière. Il est bien plus théorique, mais montre justement comment des notions de la Poétique peuvent être coercitives. Il revient sur d'autres penseurs (ex. Thalès), sur la notion de "re-création" (la mimésis n'est pas une "imitation" fidèle, cela me rappelle ma prépa lettres) et, pour ce que j'ai étudié d'Aristote (ex. le corps tend vers la santé, et les choses tendent vers la perfection), cela peut faire une bonne lecture philosophique. De même pour la notion de "catharsis", le fait de montrer des passions pour nous en préserver, le tout avec un schéma sur l'action. Il est aussi question de Machiavel et de Brecht, dans d'autres parties. C'est un essai qui m'a beaucoup plu, j'en ai appris pas mal à la fois sur les théories du théâtre et sur une certaine conception de la politique, marquée à gauche (Boal était proche de Lula), le tout par un théoricien (et praticien !) du Sud même si l'expression est un peu "fourre-tout". Le Sud cessera-t-il un jour d'être "spectateur" dans ce monde ? En tout cas, Augusto Boal nous propose la répétition générale !