Les royaumes du mur : Le livre de Robert Silverberg

Au pied du ciel ... Il y a le Kosa Saag , le mur . Cest une montagne sacrée qui s'élève jusque les basses couches de l'atmosphère d'une planète étrangère , et plus haut encore , là où l'auteur nous invite . Il est un peu comme Olympus Mons sur Mars , ce volcan qui lui aussi fleurte avec les plus hautes couches de l'atmosphère de ce monde. Ces montagnes sont des escaliers qui vont vers le ciel ( matériel et spirituel). L'auteur exploite les dynamiques des mythes et celles des récits sacrés fondateurs et normatifs . Il réfléchit ainsi sur le mythe comme expression concrète et dirigiste du numineux qui passe souvent par la répétition actée . L'environnement sur ce monde étranger est en partie un mystère et sur terre aussi bien des géographies sont des mystères qui nourrissent des quêtes spirituelles. Le narratif autour du sacré génère de l'autorité créatrice en permettant de trouver du sens quelquefois par la répétition du mythe ou par les éclaircissements qu'il apporte aux individus qui expérimentent son cadre normatif institué en pratiques qui vise à permettre à l'univers de se maintenir. L'auteur interroge dans ce roman des aspects comme la crédulité face au mythe, mais pas naïvement en essayant de discerner le vrai du faux ou de dégager le fond de réalité que couve le récit mythique. Il va plus en profondeur en démontrant que la fonctionnalité du mythe est très au-delà du vrai et du faux ou de la croyance exigeante de la part des différents acteurs du religieux. C'est cette problématique efficacement scénarisée qui fait avec l'univers le charme de roman de pèlerinage en milieu extrême. Je trouve que cette compréhension intimiste du fonctionnement du sacré en-soi n'est pas courante en SF. Tous les ans dans ce pays au pied du ciel , quarante jeunes gens se doivent de faire l'ascension de cette montagne sacrée qui est aussi tellement longue que l'on en connait pas la fin. Peu de gens sont jamais redescendus de ces sommets mystérieux , et aucun en-tout-cas n'en est jamais revenu intact et avec toute sa raison. Le lecteur est aux premières loges de cette expédition mouvementée , en compagnie des « pèlerins « qui vont parcourir le pays sacré . C'est un roman sur le pèlerinage et sur la route initiatique avec son retentissement individuel et collectif. Les pèlerins sont sur la montagne sacré , à la rencontre du sacré sur un autre monde. Les personnages sont touchants et leur société est subtilement étrangère à la nôtre. Elle se localise dans un environnement à l'altérité indiscutable et dans une civilisation intéressante , bien campée et fonctionnelle. Elle est Bien incarnée aussi , dans des personnages crédibles aux problématiques convaincantes . Des descriptions nombreuses rendent cet univers palpable , de même que les péripéties qui émaillent le long voyage , sont variées et s'inscrivent utilement dans ce récit qui autrement serait principalement contemplatif. Mais il y a du rythme et du timing dans ce récit. Un texte qui relève à mon humble avis du genre ethno-SF et un texte qui n'est pas un thriller orthodoxe pour ce qui est de la forme . Il s'en passe sur les montagnes que les dieux élisent pour domicile et aller toquer à leur porte est périlleux et c'est mettre sa vie , ses certitudes intellectuelles en danger. le pèlerinage peut les faire tanguer sur leurs assises autrement si fermes. Que peut-on avoir compris et vu , sur ces chemins qui transpercent le ciel ? N'est-il pas à son retour plus approprié de se taire et de réfléchir longuement à ce qui s'est passé. Alors la foi soulève des montagnes ? peut-être bien que oui . Mais le résultat de l'effort surhumain est finalement modeste comme l'est le dénouement de ce cheminement dans un univers agréablement étranger qui est aussi le dénouement modeste (trop modeste ?) de ce texte.