Bel-Ami : Le livre de Guy de Maupassant

Les écrivains du XIXème siècle ont cette capacité à éveiller la curiosité dès les premiers mots, car ces premiers mots ne sont pas attendus. Il n'est rien de plus ennuyant que de lire des mots, qui plus sont, les premiers mots d'un texte, mainte fois écrits. Or, l'ordre des mots des écrivains du XIXème siècle, est trouvé de telle sorte que même si ces mots sont connus, car l'on ne peut inventer de nouveaux mots, ils impactent le lecteur d'une façon positive et laissent un sourire heureux sur le visage. La suite de ce récit ne dément en rien les premiers mots. La façon de raconter, ou, mieux, la façon de capter les habitudes humaines et de les mettre par écrit, est au moins aussi admirable que la capacité d'un albatros à faire le tour de l'hémisphère sud sans battre des ailes. L'épisode du duel, ou celui de la visite de Bel-ami avec sa nouvelle compagne chez ses parents, est un délice de lecture.

Qu'est ce que l'ambition masculine ? L'ascension d'un pauvre qui par le hasard montera la première marche, ne reconnaissant pas sa personne dans un vêtement bourgeois, se perdant dans les affres du confort monétaire, de la reconnaissance journalistique et du plaisir charnel pour finir comme le pire de ce que la société patriarcale peut offrir. Issu du prolétariat, je reconnais un plaisir coupable de cet être de bas étage qui gravit la falaise des faux-Nobles. Un attachement se créer au départ quand bien même une pensée du héro dans le premier chapitre, nous fera bien comprendre que ce n'est pas un homme de moral. Une haine s'installera dans mon esprit, suppliant que Maupassant nous le fassent rôtir sur la broche du malin. Pour savoir si mon âme à eu satisfaction de mes désirs pour cet infâme bel-ami, je vous laisse découvrir cette oeuvre.

J’ai trouvé ce roman dans une boîte à livres. Tout au long de ma lecture, j’ai eu le sentiment que, dans cette boîte à livres, j’avais trouvé un trésor. J’en ai lu des livres de Maupassant, encore un de mes écrivains préférés: à peu près toutes ses nouvelles, ses romans Une vie, Fort comme la mort. Eh bien, il m’a encore bluffé avec ce roman époustouflant. Une histoire cynique d’un arriviste, d’un bel homme sans scrupules, écrite d’une façon absolument virtuose. Encore un véritable chef-d’œuvre de cet écrivain mort trop jeune. Georges Duroy, revenu à Paris après plus de deux ans d’une vie militaire en Algérie, végète comme employé des Chemins de fer du Nord, a du mal à finir le mois, lorsqu’il rencontre Charles Forestier, un ancien camarade de régiment. Celui-ci lui propose de venir travailler au journal La Vie française, dirigé par un certain Walter, et dans lequel il est le chroniqueur politique. Pour ce faire, il l’invite à un repas organisé chez lui, auquel son épouse et lui- meme reçoivent Mr Walter et son épouse, ainsi qu’une amie du couple, Mme de Marelle. Duroy y fait bonne impression, démontrant sa fine connaissance de l’Algérie, au point que le Directeur du journal lui demande d’écrire une chronique sur ce sujet. Recruté au journal pour alimenter la rubrique des faits divers, c’est l’ascension irrésistible de ce « Bel-Ami » (mais pas forcément un ami qui vous veut du bien), ainsi que l’a surnommé Laurine, la fille d’une de ses maitresses, que le roman va nous raconter. Au début provincial sans le sou, un peu gauche, mal dégrossi, ne connaissant pas les codes de la vie parisienne, mais beau jeune homme séduisant, entreprenant, que l’on sent dès le début ambitieux et dénué de scrupules, Duroy va utiliser toutes les opportunités, tous les moyens, pour réussir. Très vite, il va comprendre les ficelles du métier, séduire les femmes d’importance, se faire des alliés des hommes qui comptent, se mettant parfois en difficulté, mais s’en sortant toujours d’une façon cynique. Une belle canaille dans un monde de canailles, car, dans ce monde de la presse, de l’argent, qui manipule l’opinion, qui fait et défait les politiques, (une réalité de tout temps, Vincent Bolloré, Elon Musk,….), peu d’hommes, ni de femmes qui fassent preuve d’honnêteté. Et, dans cet univers parisien, que de passion de frénésie étourdissantes!. Seul le chroniqueur littéraire, le « vieux poète » Norbert de Varenne, dans sa discussion avec Georges Duroy, va témoigner de sa vision pessimiste et désintéressée de la vie. Mais, et c’est un constat que je partage, je crois, avec mes ami(e)s babeliotes, chez les grand(e)s auteur(e)s, ce qui fait la différence, c’est la façon de raconter l’histoire. Et ici, elle est éblouissante. Qu’il s’agisse de la finesse de l’analyse psychologique des personnages, du rythme du récit, de la beauté des descriptions, des ambiances, tout y est parfait, génial. Dans cette histoire pas très morale en somme, Maupassant m’a transporté par son intelligence de la vie, son extraordinaire capacité à nous faire ressentir les gens et les lieux, encore plus prodigieuse, je trouve, que dans ses autres récits. Un vrai coup de cœur en ce début d’année 2025.

Fini à l'instant. Quel infecte personnage ! Jusqu'au bout j'espérais qu'il finirait sur un échec cuisant. Mais non ! Il parvient toujours à ses fins. Le parfait arriviste, égoïste, sans aucune morale ni aucun scrupule. Il piétine les femmes qui pour leur malheur l'aiment, quoi qu'il fasse. Ce roman magistral dresse le portrait d'un homme, mais également celui d'une société basée sur le paraître, l'argent et l'hypocrisie.