Les Rougon-Macquart - tome 1 - NE : Le livre de Émile Zola

Des années (des décennies même) que je ne m’étais pas plongée dans un Zola, auteur que j’ai pourtant tant aimé lorsque je l’ai découvert à l’adolescence et dont l’œuvre m’a portée pendant de nombreuses années ! Et puis j’ai récemment eu l’envie de reprendre cette saga intégralement, et dans l’ordre préconisé par l’auteur. Me voici donc au tout début de cette œuvre, avec le premier opus qui signe la mise en place de la lignée des Rougon-Macquart. Il prend place à Plassans, berceau originel de la famille, petite ville endormie du sud de la France, pendant le coup d’état qui voit l’avènement du Second Empire face à la République. Je dois dire que cette période de l’histoire de France était un peu confuse dans ma tête et que cela m’a permis de revoir mes classiques car les ressorts du roman sont très liés au contexte politique houleux et incertain qui caractérise cette période. Mais avant tout, c’était avec un immense plaisir que j’ai retrouvé cette plume à la fois accessible et pourtant tellement puissante et inégalable qui me transporte tant ! La Fortune des Rougon est la genèse de la famille, et même si tous les éléments amenés dans ce récit originel sont par la suite esquissés dans tous les romans successifs, c’est bien ici que prennent racines les futures tares et caractéristiques de la famille. Tout est mis en place, cet acte I est un superbe préambule qui balise les chemins tortueux que va prendre l’hérédité ensuite et si je ne lui mets « que » 4 étoiles, c’est surtout car je sais qu’arrivent ultérieurement des chefs d’œuvre comme Germinal, L’Assommoir et Le Bonheur des Dame, mes préférés, et que je garde donc une petite marge de progression.

Après avoir lu « au bonheur des dames » qui m'avait enthousiasmé, je m'étais promis de lire la saga familiale des Rougon-Macquart. Le premier tome remonte aux origines de cette famille. 1848, année trouble en France. La monarchie de Juillet est renversée par la révolution de février. Deux jeunes amoureux rejoignent une colonne d'insurgés républicains mais il faudra attendre pour connaître l'issue de leur destinée. Émile Zola choisit en effet de nous présenter toute la famille durant le premier tiers du livre, dans l'attente, cela peut paraître un peu long même si la plume de Zola est fantastique. La grand-mère Adélaïde n'a pas une bonne réputation dans le petit village méridionale de Plassans. De son premier mariage avec un paysan suivi d'une union libre avec un contrebandier, les commérages vont bon train ! Quelle inconvenance pour la première moitié du 19 ème siècle, aux conséquences irrémédiables pour toute la descendance Rougon et Macquart... Entre le fils légitime et son demi-frère bâtard, la guerre est ouverte et mis en parallèle à la lutte entre républicains et bourgeois réactionnaires. Félicité et son mari Pierre Rougon ne reculeront devant rien pour s'enrichir mais surtout s'élever dans la classe sociale, leur ambition folle les pousse à l'extrême. Que d'actions et de complots pour arriver au pouvoir ! Antoine Macquart, quant à lui, est rongé par la jalousie et ne souhaite que leur perte. A tout point de vu, ce n'est pas une famille recommandable. Et au milieu de ces calculs perfides éclot comme une bouffée d'oxygène l'amour naissant entre Silvère et Miette. De l'amitié des rencontres furtives aux premiers émois pudiques, la tendresse que se portent les deux adolescents est d'un romantisme touchant. Les sentiments exacerbés de tous les personnages savamment mélangés aux événements politiques rendent ce roman captivant. Une réussite !

La fortune des Rougon ou la genèse de la célèbre série d'Emile Zola, dans laquelle ce dernier a ambitionné de retracer le parcours d'une famille à travers la fin du XIXème siècle. Ce premier tome va de la préparation coup d’État de 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte et sa victoire marquant l'avènement du Second empire. C'est donc avec Aélaïde, l'Eve de ce Paradis échu inventé par Emile Zola, que commence l'histoire de cet arbre gangréné par le vice. C'est une épileptique, une femme du peuple, avec peu ou pas d'éducation, et le choix de ses partenaires de vie ne font pas exception - et pourtant c'est bien un de ses enfants qui lui donnera le coup de grâce! Puis le roman s'intéresse à ses enfants : Pierre Rougon, Antoine et Ursule Macquart. C'est surtout autour de Pierre et sa femme que se concentre l'intrigue. C'est un couple sournois, fourbe, avide, opportuniste, attiré par l'appât du gain et sans réelle conviction ou d'autre but que l'enrichissement et la quête de pouvoir à tout prix. Mais le romancier dissèque tout aussi bien le caractère de personnages secondaires qui évoluent dans le cercle de ces deux personnages détestables et pourtant très vivants. Il y a aussi les deux personnages d'enfants martyrs, Sylvère et Miette, mais je pense que ce ne seront pas ceux que je retiendrai le plus. Il y avait longtemps que je n'avais pas lu Zola et quel plaisir de retrouver cette plume exquise ! J'ai trouvé les descriptions des personnages et la finesse de leurs portraits psychologiques et de leur déchéance morale et sociale absolument géniales et surtout très actuels ! Quand on pense à toutes les études qui sont menées dans les domaines comme l'éducation ou la sociologie qui expliquent de manière complexe et souvent rébarbative ce que Zola fait avec esprit et justesse en quelques pages... cela en dit long sur son intelligence et ses qualités d'observateur. Certes, la modernité littéraire n'est plus aux descriptions, et c'est vrai que certaines paraissent (trop) longues mais d'autres sont particulièrement prenante - celle de la déchéance d'Adélaïde ou celles dans lesquelles il décrit la malhonnêteté de Félicité et Pierre Rougon par exemple. J'avais découvert Zola à la fin du collège pendant les vacances d'été avec l’Assommoir et j'en garde encore un souvenir très prégnant et ému, alors avoir eu ces quelques passages sur l'enfance de Gervaise a été un vrai plaisir. Reprendre ainsi la genèse de ce projet littéraire et sociologique m'a donné envie de continuer d'explorer cette série dans son ordre de parution. C'est une lecture qui, au passage, permet de faire dune mise à jour de mes connaissances sur l'Histoire de France. Et en toute subjectivité, je dirai que pour cet aspect aussi, Zola le fait mieux que les profs d'histoire qui m'ont enseigné cette période.

Zola n'est décidément pas mon auteur de l'époque préféré... Pourtant, j'aime le classique. J'aime cette immersion lente et dépaysante de l'époque mais là, c'est un peu trop. On sent qu'il s'agissait au départ d'un roman feuilleton. Les descriptions s'étendent à n'en plus finir. Malgré tout, la plume est indéniablement belle et fluide. Est-ce que ce classique est dur à lire ? Je répondrais plutôt non. Il est abordable, juste lent. Je tenais à découvrir les origines de cette gigantesque œuvre qu'est les Rougon-Macquart. C'est chose faite. Et même si j'ai pu m'ennuyer par moment, je ne regrette pas. Oui, il ne se passe pas grand chose pendant la moitié du livre mais comme l'explique l'auteur, il s'agit plutôt d'une préface. Les bases sont posées pour la suite et j'ai aimé démêler l'arbre généalogique de cette terrible famille. Parce que outre l'intérêt historique, ce livre m'a fait bondir de colère. Quelle cruauté. Les gens sont parfois capables d'une cupidité, d'une bêtise et d'une méchanceté sans nom. L'appât du gain ferait faire n'importe quoi... Mon seul petit plaisir a été de voir comment les hommes pouvaient être dupés par les femmes. Elles savent tirer les ficelles dans l'ombre. Enfin, au milieu de toutes ces bassesses, ces pseudos jeux politiques d'idiots se croyant intelligents, il y a Miette et Silvère. Leur relation est pure. C'était presque malaisant d'être témoin de leurs ébats. Ils auront réussi à me mettre la larme à l'œil. Et je dois avouer que Zola avait quand même un don pour mettre de de l'intensité dans certaines scènes et leur donner vie.